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Pour
ou contre le doublement du Tiers ?
La question
qui divise les opinions en cette fin d'année 1788 est la
suivante:
Faut-il que chaque Ordre (constitutif de l'Etat) ait le même
nombre de députés, ce qui continuerait à assurer
la prépondérance aux deux Ordres privilégiés,
le Clergé et la Noblesse ?
Ou bien le Tiers-Etat pourra-t-il doubler le nombre de ses représentants,
et avoir à lui seul autant de députés que les
deux autres ordres réunis?
Une grande partie du Clergé, de la Noblesse et de la Magistrature
s'accroche au maintien des formes anciennes: c'est ainsi, disent-ils,
qu'ont été assemblés les Etats-Généraux
de 1614, les derniers en date ; si l'on cède sur ce point,
qui sait jusqu'où iront les altérations aux formes
constitutives? En ne ménageant pas les droits et les prétentions
des deux premiers Ordres, ne blesse-t-on pas les fondements de la
monarchie? Et le Tiers-Etat ne risque-t-il pas, si cette première
revendication est satisfaite, de formuler une suite d'autres exigences
qui entraîneraient insensiblement vers la démocratie?
A toutes ces objections, le Tiers-Etat répond que le Royaume
a bien changé depuis 1614 ; que depuis, les connaissances
et les lumières ne sont plus l'apanage des premiers Ordres,
et que c'est dans le Tiers-Etat que l'on trouve les connaissances
qui intéressent le plus le bien de l'Etat, comme le commerce
intérieur et extérieur, l'état des manufactures,
le crédit public et la circulation de l'argent. D'ailleurs,
pourquoi résister à ce bruit qui monte de l'Europe
entière, et qui favorise confusément toutes les idées
d'équité générale. Et le vœu du Tiers-Etat,
manifesté par tant d'adresses émises par les villes
et communes du Royaume, n'est-il pas le vœu national, sur lequel
le souverain doit aligner sa justice ?
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