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Paris, 17
mars 1788.
Dimanche
dernier, il s'est trouvé un nombre étonnant de militaires
à l'audience du ministre de la Guerre. Celui-ci leur a déclaré
que S. M. ayant signé le travail de la nouvelle formation
de l'armée, toute réclamation devenait désormais
superflue. On compte que, d'ici au 4 de ce mois, toutes les ordonnances
seront publiées à la fois, ainsi que la promotion
militaire. On ajoute que M. l'Archevêque de Sens et M. le
comte de Brienne passeront une partie de la semaine sainte et les
fêtes de Pâques, le premier dans son diocèse,
le second dans ses terres, pour être à l'abri de toute
réclamation de la part de ceux que le nouveau plan d'économies
et la nouvelle forme de l'armée rendront mécontents.
On a appris à ce sujet, de Versailles, que les murmures et
les plaintes amères des officiers mécontents avaient
ému jusqu'au Roi, que S. M., en approuvant le plan, avait
cru aussi qu'on emploierait ceux des officiers que l'ancienneté
de service et les connaissances acquises dans les guerres rendaient
dignes de récompenses, que sa surprise a été
extrême en apprenant que c'était précisément
ceux-ci qu'on avait cherché à éloigner des
grades supérieurs, qu'on les avait conférés
à des jeunes officiers dont la naissance et les alentours
font le plus grand mérite ; que S. M. était entrée
dans une grande colère et avait ordonné qu'il y aurait
mardi prochain un comité particulier, auquel Elle présiderait
pour changer cette nomination aux grades supérieurs faite
par son conseil de la guerre. M. de Guibert, qui a eu la plus grande
part dans tous ces changements, court le risque d'attirer sur lui
la plus grande part du mécontentement des officiers qui se
plaignent à haute voix. L'Académie française
a tenu jeudi une séance publique pour la réception
de M. d'Aguesseau, conseiller d’État, à la place de
M. de Paulmy. La séance s'est terminée par la lecture
qu'a faite M. Marmontel d'un poème de sa composition sur
la mort du duc de Brunswick ; on peut dire de cet homme de
lettres que les années, loin de diminuer en lui la chaleur
de la poésie, semblent donner au contraire à ses productions
le feu dont manquent ses œuvres de jeunesse.
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Guibert
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