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La
position du 6e corps |
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Dans chacun
de ses trois récits, Napoléon donne une place différente
au 6e corps d’armée (celui du général Mouton,
comte de Lobau) dans son dispositif de départ, et l’on constate
une progression de la droite vers la gauche. |
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Dans le
bulletin dicté le 20 juin, on lit :
A
neuf heures du matin, la pluie ayant un peu diminué,
le 1er corps se mit en mouvement, et se plaça, la gauche
à la route de Bruxelles et vis-à-vis le village
de Mont-Saint-Jean, qui paraissait le centre de la position
de l'ennemi. Le second corps appuya sa droite à la route
de Bruxelles, et sa gauche à un petit bois à portée
de canon de l'armée anglaise. Les cuirassiers se portèrent
en réserve derrière, et la garde en réserve
sur les hauteurs. Le 6e corps
avec la cavalerie du général d'Aumont, sous les
ordres du comte Lobau, fut destiné à se porter
en arrière de notre droite, pour s'opposer
à un corps prussien qui paraissait avoir échappé
au maréchal Grouchy, et être dans l'intention de
tomber sur notre flanc droit, intention qui nous avait été
connue par nos rapports, et par une lettre d’un général
prussien que portait une ordonnance prise par nos coureurs. |
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Dans le récit publié en 1818 sous
le nom du général Gourgaud, on lit :
Le
sixième corps, (comte de Lobau), se forma en colonnes
serrées sur la droite de la chaussée de
Charleroi : il se trouvait ainsi en réserve
derrière la gauche du premier corps, et en potence derrière
le centre de la première ligne. |
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Et dans
la version aboutie, les "Mémoires pour servir à
l'histoire de France en 1815", on lit :
La deuxième
colonne, commandée par le lieutenant général
comte de Lobau, se porta à cinquante toises derrière
la deuxième ligne du 2e corps ; elle resta en colonne
serrée par division, occupant une centaine de toises
de profondeur, le long et sur la gauche de la chaussée
de Charleroi, avec une distance de dix toises entre
les deux colonnes de division, son artillerie sur son flanc
gauche.
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Ce glissement
n'est évidemment pas dû au hasard. De la part de Napoléon,
peut-on croire qu'il s'agisse d'un affaiblissement de ses facultés
intellectuelles? Quand bien même ce serait le cas, on pourrait
encore se demander pourquoi les historiens ont suivi aveuglément
l'Empereur dans la description de son échiquier, 3e version,
sans se rendre compte que toutes les déclarations de Napoléon,
plus que tout autre, doivent être soumises à la critique
historique. Clausewitz et Jomini, bien qu'ils acceptent sans discuter
la position donnée par Napoléon dans son 3e récit,
estiment cependant tous deux que, tactiquement, le 6e corps aurait
été mieux placé derrière la droite.
D'après
le Journal de Gourgaud (rédigé peu après
les événements, et avant les dictées de Napoléon),
c'est bien à droite que se trouvait le 6e corps, position
confirmée par plusieurs témoignages, notamment ceux
de deux officiers de l'état-major du 6e corps (Combes-Brassard
et Janin, mais aussi Durutte, commandant la 4e division et qui écrit
que le 6e corps était derrière sa division).
Or, tous les historiens (Jomini, Thiers, Charras, Siborne, Houssaye,
etc.) placent le 6e corps à la gauche de la chaussée
de Charleroi, et entament donc l'histoire de la bataille sur des
données fausses, fabriquées non sans motif à
Sainte-Hélène. |
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Bertrand
de Jouvenel constatait avec raison: "Celui qui a commandé
quatorze ans à l'Europe commande encore à la postérité.
L'historien qui l'approche froidement, comme les soldats qui prétendaient
l'arrêter au pont de Grenoble, se ralile à son service,
obéit à la consigne posthume, écrit en dramaturge.
"
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L'aveuglement
est tel que les historiens, même les plus récents, acceptent
sans sourciller des faits impossibles : ainsi, il aurait fallu plus
de trois heures (de 13 à 16 h 30) au 6e corps pour faire 1.200
mètres en terrain découvert pour aller aux devants des
Prussiens qui menaçaient la droite française ! Et encore,
on nous assure que "l'infanterie du corps de Lobau était
fort en arrière" au moment où l'attaque se
déclenche... Lobau et ses officiers ne savaient-ils donc pas
que la ligne droite est le chemin le plus court entre deux points
?
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Ce qui s'est passé
D'après le bulletin du 20 juin, et le témoignage d'officiers
français et alliés, le 6e corps se trouvait derrière
la droite du 1er corps, pour appuyer l'attaque contre la gauche de
Wellington. Lorsque Bülow attaque l'armée française
sur son flanc droit, il prend le corps de Lobau de flanc. Bien évidemment,
Lobau, sans attendre d'ordres de la part de Napoléon, prend
les dispositions nécessaires pour lui faire face. |
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Pourquoi
Napoléon "modifie"
Si Napoléon avait réellement vu les Prussiens à
Chapelle Saint-Lambert à 11 heures, et s'il avait alors donné
au 6e corps, placé à la droite, l'ordre de marcher
à leur rencontre, celui-ci aurait dû avoir traversé
le bois de Paris et se trouver près de Lasne, où le
terrain est très favorable à la défense. Pour
expliquer pourquoi Lobau ne se trouve pas là, tout en donnant
de la vraisemblance au fait qu'il aurait aperçu les Prussiens
sur les hauteurs de Saint-Lambert, Napoléon lui a donné
plus de chemin à parcourir pour aller à la rencontre
de l'ennemi. Il suffit pourtant de faire la promenade pour se rendre
compte qu'il ne faut pas trois heures pour faire le chemin! Mais
qu'importe? Les affirmations de Napoléon ayant été
reprises sans examen par tous les historiens, ainsi qu'il savait
que cela se produirait, la responsabilité de l'Empereur dans
l'issue fatale de la journée s'est trouvée dégagée:
le coupable était Grouchy, qui n'a pas marché vers
le champ de bataille, ou le Destin, qui n'a pas permis que le message
parti au moment où Napoléon aurait aperçu les
Prussiens, arrive à temps...
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