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Waterloo battle 1815

 

 

 

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Lettre de Horace Churchill

     
 

     
  La lettre suivante a été publiée pour la première fois (en anglais) dans l'ouvrage intitulé "Life of Sir William Napier". On en trouve la traduction en français (publiée ici) dans un article du journal "le Correspondant" de 1866, consacré à Napier.
Chatham Horace Churchill était en 1815 assistant adjudant general (correspondant au grade d'adjudant commandant dans l'armée française) et à ce titre servait dans l'état-major. Dans cette lettre, écrite devant Paris le 28 juin 1815, il raconte la bataille de Waterloo telle qu'il l'a vécue.
 
 

 

 

   
 

                                                                           Le Cateau, 28 juin 1815.
Je n'ai pas eu le temps, mon cher père, de vous écrire, après notre terrible bataille de Waterloo, autre chose que deux lignes pour vous dire que je me portais bien.
Le 16 de ce mois, Bonaparte attaqua notre gauche à Quatre-Bras avant que les troupes ne pussent être mises en position. La journée fut certainement à son avantage.
La cavalerie française donna sur un de nos carrés d'infanterie avec tant d'impétuosité qu'elle parvint à le rompre. Les gardes se conduisirent avec beaucoup de bravoure et se couvrirent de gloire. Le même jour, Bonaparte attaqua Blucher et les Prussiens avec une partie de son armée ; Blücher fut battu pendant la journée, mais ne fut pas chassé de la position qu'il occupait ; le soir Bonaparte fit une manœuvre des plus extraordinaires et des plus brillantes. Il rassembla toute sa cavalerie en une seule masse, chargea sur le centre de l'armée prussienne, prit 18 canons et toutes les munitions ; les Prussiens furent mis en déroute et, d'après l'aveu même de Blücher, perdirent 15.000 hommes.
Le jour suivant, le 17, en conséquence de la retraite des Prussiens, nous nous retirâmes vers Waterloo dans une plaine presque plate et ouverte de tous côtés, unie comme un glacis, dans le centre droit un petit bois avec un vieux couvent. Ce point était celui que l'ennemi avait le plus d'intérêt à emporter. Lord Wellington y mit les gardes avec ordre de le défendre coûte que coûte. Dans la soirée du 17, la cavalerie française s'engagea contre notre arrière-garde et remporta quelques avantages sur la nôtre. Le 18, au matin, nous nous aperçûmes, vers onze heures, que l'ennemi rassemblait ses colonnes sur notre front pour une attaque ; les dispositions furent prises immédiatement pour la défense et à midi, à une minute près, le premier coup de canon fut tiré, terrible signal, car nous eûmes bientôt jugé que l'attaque de l'ennemi était des plus sérieuses et il semblait que nous dussions être annihilés par son choc. Nos canons, au nombre de 100, furent placés en avant, supportés par des carrés d'infanterie, et la cavalerie dans les intervalles pour agir selon l'occurrence. L'ennemi commença à canonner notre front avec 250 pièces de canon, cherchant évidemment à amener de la confusion dans nos colonnes pour en profiter par des charges de cavalerie. Il attaqua en même temps le couvent et le bois, afin de s'en faire un point d'appui pour ses colonnes, mais il fut repoussé par les gardes. La canonnade continua, la boucherie fut terrible, mais nos colonnes restèrent fermes et cela fut bien heureux, car tout à coup apparut leur cavalerie, s'avançant de la manière la plus brillante en face de la gueule de nos canons ; elle eut l'audace de dépasser notre artillerie, de franchir les intervalles entre les carrés d'infanterie, de fondre sur notre cavalerie qui était derrière et d'essayer de se former au delà. On n'a jamais rien vu de pareil à la conduite de ces troupes. Cette première attaque fut faite par les cuirassiers. Alors arriva une circonstance des plus étranges. Nos artilleurs, après avoir essuyé la charge de la cavalerie française, qui les avait balayés, sortirent des carrés où ils s'étaient réfugiés et revinrent à leurs pièces, les retournèrent, et chose incroyable, firent feu sur les Français pendant qu'ils étaient dans nos lignes. Notre artillerie montra là une merveilleuse constance. Malgré cette charge brillante, nos carrés d'infanterie étaient restés intacts, les artilleurs étaient revenus à leurs pièces; la terrible canonnade recommença. Un second corps de la cavalerie française exécuta ensuite la même manœuvre de la même manière. Enfin nous vîmes l'infanterie s'approcher en masse pour nous attaquer. Elle s'avançait malgré le feu le plus meurtrier de nos canons et emporta presque notre position. La journée semblait en balance et dépendre du poids d'un fétu. Lord Hill mit alors en mouvement une division de son corps, jusque-là en réserve, qui arrêta l'ennemi. Leur cavalerie chargea encore nos carrés avec la plus grande valeur, mais ne les entama pas, il y eut une résistance opiniâtre des nôtres, l'ennemi fut repoussé ou plutôt il se retira en très bon ordre dans ses positions.
Nous nous imaginions que c'était fini, il était à peu près quatre heures. L'ennemi avait fait de grands efforts, mais nous l'avions tenu en échec partout; cependant nous ne pouvions le suivre, il s'était retiré plutôt qu'il
n'avait été repoussé et sa position était forte. Vers six heures nous aperçûmes qu'il se formait en colonnes d'infanterie et de cavalerie. Son artillerie se rapprocha de nous et commença encore à nous canonner. Il ouvrit un feu, le plus terrible, je crois, qui se soit jamais entendu à la guerre ; 250 pièces rangées, serrées, jetant des boulets et de la mitraille. Je n'exagère pas en disant que la quantité de cadavres d'hommes et de chevaux rendait difficile de parcourir le terrain à cheval à une allure un peu vive.
Soutenu par cette terrible artillerie, Bonaparte s'avança à la tête de la garde impériale, la cavalerie en colonnes à gauche, les grenadiers de la garde à droite. Ils marchèrent dans le plus grand ordre jusque devant nos lignes ; là ils firent halte et commencèrent à tirer, nos troupes étaient littéralement fauchées, le feu était tel, qu'il était impossible de résister. Notre artillerie fut alors placée sur leur flanc, ainsi que l'élite de nos troupes, commandée par lord Hill. J’amenai six escadrons de cavalerie et nous fîmes une charge générale. Les cuirassiers de la garde, fort éclaircis par notre artillerie, commencèrent à se disperser ; nous les poursuivîmes, laissant l'infanterie française en bon ordre sur notre flanc. Le maréchal Ney était avec la cavalerie que nous chargions et je fus à vingt pas de lui, mais je ne pus réunir cinq ou six cavaliers pour tâcher de le prendre, car il n'avait avec lui que six soldats d'ordonnance. J'apostrophai mes coquins de cavaliers de toute la force de mes poumons, mais je ne pus jamais les décider à me suivre.
Alors notre cavalerie fut ramenée à son tour et nous fûmes obligés de prendre le galop. Puis l'ennemi amena une vingtaine de canons et nous envoya une volée de mitraille dont je me souviendrai longtemps ; l'infanterie nous fusilla en même temps et les cuirassiers français arrivèrent l'épée dans nos reins. J'étais sur mon vieux cheval bai, un coup de mitraille lui passa au travers du corps et un biscaïen m'enleva en même temps mon chapeau.
Je tombai sous mon cheval, très contusionné de sa chute, mais pas blessé et ne pouvant pas me dégager. Les cuirassiers français passèrent sur moi, mais sans me toucher. J'étais encore là quand ils revinrent chargés par les nôtres, ils passèrent près de moi et un de leurs cuirassiers fut tué en ce moment. Je saisis son immense cheval et me hissai dessus non sans difficulté. Je m'éloignai rapidement et j'étais à peine délivré d'eux, qu'un biscaïen frappa mon cheval sur la tête et le tua sur place. Un officier du 13e dragons démonta un de ses hommes et me donna son cheval, celui-ci fut frappé d'une balle à la jambe une demi-heure plus tard. À ce moment l'ennemi était battu. Bonaparte lui-même, à la tête de sa garde, était repoussé. Les Prussiens alors arrivèrent sur le flanc de l'armée française, ce qui l'obligea à hâter sa retraite. Notre cavalerie et notre artillerie avancèrent alors, l'ennemi fut poursuivi, cela devint une déroute.
Les fruits de cette victoire sont 200 pièces d'artillerie, 4 aigles et tout le bagage de Napoléon et de son armée.
Il est inutile d'insister sur la conduite des troupes des deux armées. Lord Wellington dit que c'est une bataille de géants. De toute l'armée, Wellington est celui qui s'est peut-être le moins ménagé sans recevoir pourtant de blessures. Currie a été tué par la mitraille près de moi. Lord Hill, au milieu de la grande mêlée avec la garde impériale, a eu son cheval tué et les cuirassiers sont passés sur lui, nous l'avons perdu pendant une heure et le croyions tué, quand, à la fin, on l'aperçut chevauchant de plus belle. Dans l'état-major de Wellington, les colonels Canning et Gordon ont été tués, Fitzroy Somerset a perdu un bras, de Lancey a été blessé grièvement.
L'objet de l'admiration de toute l'armée a été la bravoure de la cavalerie française et l'opiniâtreté de notre infanterie. Trois fois la cavalerie perça nos lignes, mais nos hommes se firent tuer à leurs postes, aucun ne voulut se rendre. Il y eut un moment où toute l'infanterie des deux armées était formée en carré. Jamais on n'a vu un dévouement pareil à celui des cuirassiers français. Je ne pus m'empêcher de m'écrier au milieu de la mêlée : «Morbleu ! ces braves gens méritent de garder leur Bonaparte, ils se battent si noblement pour lui. » J'aurais mieux aimé mourir ce jour-là fantassin anglais ou cuirassier français que de mourir dans dix ans d'ici dans mon lit.
J'ai fait tout ce qu'il fallait pour être tué, mais la fortune m'a protégé. J'ai reçu une balle morte sur la cuisse qui ne m'a pas même fait saigner, et une autre balle sur l'omoplate, mais je ne m'en suis aperçu qu'après la bataille.
Lord Hill n'a pas été blessé, quoiqu'il ait eu son manteau criblé. J'ai accompagné Wellington dans sa visite à Blücher. J'ai vu la voiture de Bonaparte et toutes ses décorations qu'on y a trouvées, son chapeau, son habit, sa redingote. Son chapeau me va exactement. Plût à Dieu que j'eusse une aussi bonne tête à mettre dedans.
Louis le Désiré arrive ici aujourd'hui. Je crois qu'il sera mal reçu.
                                                                       HORACE CHURCHILL.

     

 

 

 

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