|
Un
faux portrait de Bonaparte.
La Revue des Etudes napoléoniennes,
dans son numéro de mai 1913, annonçait (p. 465) que
l’on venait de retrouver dans les réserves historiques de
Versailles, le plus ancien portrait de Bonaparte dessiné
par Pontornini, portrait qui serait désormais exposé
à la Malmaison.
M. Paul Dupuy vient, dans la Revue de l’art ancien et moderne
(1), de consacrer à ce portrait une remarquable étude.
Par une analyse très serrée, très pénétrante
et fort convaincante, il en démontre le caractère
apocryphe.
M. Paul Dupuy examine, tout d’abord, l’origine du dessin. Il fut
donné au musée des Souverains par Prosper de Baudicour
en 1853, c’est-à-dire en un moment où l’on recherchait
avec avidité les reliques napoléoniennes et où
la tentation était grande pour les faussaires d’en créer
de toutes pièces. La bonne foi de P. de Baudicour, iconographe
célèbre, est hors de doute, mais, lui-même,
ne pouvait fournir d’explications précises sur la façon
dont ce dessin était venu en sa possession ; il semble, tout
le premier, n’avoir pas eu une confiance absolue dans son authenticité
et, à leur tour, les conservateurs des musées impériaux
ne l’accueillirent ni sans défiance ni sans résistance.
Le dessin est accompagné d’une dédicace et d’une signature
: « Mio caro amico Buonaparte. – Pontornini del 1785.
– Tournone. » Or le nom de Pontornini ne se retrouve
dans aucun autre document.
En 1785, Bonaparte habita dix mois à Paris, comme cadet gentilhomme
de l’école militaire, puis deux mois à Valence en
qualité de lieutenant en second au régiment d’artillerie
de la Fère.
M . Dupuy, par une discussion très curieuse, démontre
que, ni à Paris, ni à Valence, Bonaparte ne put porter
la coiffure et le costume qi lui sont attribués sur le dessin
de Pontornini.
Au contraire, cette coiffure et ce costume s’accordent avec la tenue
de Bonaparte en 1796, comme général en chef de l’armée
d’Italie. Analysant la série des profils de Bonaparte édités,
à ce moment, dans toute l’Europe occidentale, M. Dupuy établit
qu’ils s’apparentent entre eux comme s’ils dérivaient d’un
prototype unique et que ce prototype est aussi celui du dessin Pontornini
qui, en dernière analyse, ne peut être qu’un faux.
L’intérêt du travail de M. Dupuy n’est pas seulement
d’écarter de l’iconographie napoléonienne un document
apocryphe. Sur la foi du dessin Pontornini, des artistes ont attribué
à Bonaparte, avant la révolution, une physionomie
attachante, sans doute, mais de pure fantaisie. Ainsi a procédé
Rochet dans son fameux Bonaparte à Brienne. En réalité,
à cette époque Bonaparte n’était pas «
le Corse aux cheveux plats », il portait ses cheveux roulés
sur les oreilles en cadenettes et la physionomie que lui a attribué
Guillaume dans le buste en marbre du musée de l’armée
reste la seule qui ait quelque vraisemblance historique.
Léon
Rosenthal.
|
|
|
|