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"Jetons
un coup d’œil rapide sur la position du jeune soldat, depuis son
arrivée au corps jusqu’au moment où il est considéré
comme étant de la première classe ; il est d’abord
affublé d’une petite veste à manches qu’on lui fait
porter pendant sept à huit mois de l’année, pour prolonger
la durée de l’habit ; ce costume qui paraît le placer
à une distance immense de ses officiers, des sous-officiers
et gardes nationales, l’humilie et le chagrine, surtout s’il jouissait
d’une certaine aisance, quand il était dans le sein de sa
famille." (Général Fririon, le Spectateur
militaire, I, p 16.)
La veste à
manches, on le voit dans cette citation, était l’habillement
principal du soldat, lorsqu’il n’était pas en campagne. Mais
même en campagne, la veste était souvent portée
pour épargner l’habit, comme le confirme ce passage d’une
lettre de Beaurepaire, commandant du bataillon de Mayenne-et-Loire.
:
"Or,
nos vestes à nous n’ont pas de manches, et songez quel va
être notre embarras, car si on les laisse telles, et si, en
mille occasions, elles ne peuvent remplacer et ménager les
habits, nous ne ferons pas avec ceux-ci deux mois de campagne. L’infanterie
est, de nécessité, en veste pour aller au bois, à
la paille des tentes et à toutes les distributions, ainsi
que pour travailler aux redoutes ou aux communications du camp.
Si les vestes sont sans manches, comment faire pour tous ces services
?
Il faut des manches absolument. "
C’est pourquoi
il m’a paru utile d’étudier de plus près cet effet,
si méconnu, et auquel on n’a pas attaché jusqu’à
présent l’attention qu’il méritait.
Il convient
ici de souligner la différence entre la veste et le gilet.
Le gilet n’était pas, à l’époque, une veste
sans manches. D’ailleurs, on trouve dans les textes d’époque
mention de vestes avec ou sans manches, et de gilets avec ou sans
manches.
La différence
entre ces deux pièces d’habillement se situe au niveau des
basques : la veste en a, le gilet n’en a pas. Les basques sont la
partie de l’habillement comprise entre la taille et le bas. Au bon
vieux temps, un pourpoint avait toujours des basques. C’est un personnage
de théâtre, le masque Gille, qui inaugura le pourpoint
sans basques, vêtement somme toute assez rigolo pour l’époque.
D’où le nom de gilet. On trouve dans les planches
de l’Encyclopédie de Diderot & d’Alembert, à l’article
Tailleur d’habits, différents patrons de veste ,
mais aussi celui d’un "gillet ou petite veste sans basques".
Le gilet, vêtement,
fort indécent, il faut bien l’avouer, eut une grande vogue
en France dans les années qui précédèrent
la Révolution. Un des signes de la décadence, accompagnant
l’anglomanie, avec le costume négligé, le frac, la
chenille, et les culottes moulantes, jaunes de préférence.
Le règlement
du 21 février 1779 introduisit le gilet dans l’armée,
en tant que vêtement d’hiver, réservé aux troupes
faisant la guerre dans les pays froids, et ne devant être
porté, sous la veste, que dans les mois de novembre, décembre,
janvier et février. C’était un "gilet croisé
en estamette blanche, sans manches, à boutons d’étoffe
et à un seul rang de boutonnières", dont
la durée légale était de trois ans.
Le règlement
d'habillement de 1786 donnait aux bas-officiers et aux soldats des
régiments français des vestes de drap doublées
de cadis. Pour l’infanterie étrangère, la veste devait
être de tricot ou d’estamelle, doublée de toile.
Voici la description de la veste dans le règlement de 1786.
Cette description reste valable jusqu’à la réforme
de l’uniforme de 1812 :
“La veste
sera tenue assez longue de taille pour qu’elle emboîte bien
les hanches, et que le bouton d’en bas couvre entièrement
la ceinture de la culotte ; les boutonnières de devant seront
faites en poil de chèvre, et croiseront sur une petite bande
qui sera laissée le long des boutons, pour doubler l’ouverture
des boutonnières ; celles des poches, dont la droite seulement
sera ouverte, seront pareillement en poil de chèvre ; la
longueur des basques, à compter du dernier bouton, sera de
six pouces et demi, et elles seront doublées de toile ; les
manches, qui seront ouvertes en dessous à l’ordinaire, seront
cousues à la veste, excepté à l’endroit de
l’aisselle.
“Le collet de la veste sera droit comme celui de l’habit ; mais
seulement de neuf lignes de hauteur ; il sera doublé de drap
blanc qui débordera en liseré, et n’arrivera, étant
attaché, qu’à un pouce du bord du devant de la veste.
Les parements seront de deux pouces de haut, et cousus sur les manches,
qui seront ouvertes de quatre pouces au-dessus du bras, et fermeront
par deux petits boutons, l’un placé sur le parement, et l’autre
sur le corps de la manche.”
Les boutons
de la veste, comme ceux de l’habit, devaient être de cuivre
ou d’étain, suivant l’uniforme affecté à chaque
régiment ; ils étaient au nombre de douze. Des études
modernes et insuffisamment documentées ont montré
des vestes n’ayant que huit boutons sur les devants, selon le calcul
rapide qui ôte les quatre boutons des manches des douze boutons
de la veste. Or, les boutons des manches n’étaient pas des
boutons d’uniforme, mais des boutons à moule d’os ou de bois,
et de ce fait n’étaient pas comptabilisés dans les
devis, car ils étaient compris dans le montant accordé
pour la confection, comme le fil.
Une instruction
explicative de 1787 précise
“Les boutons des parements sont en os et de forme concave pour
tenir moins de place sous ceux de l’habit.”
Retenons donc
que les vestes avaient douze boutons d’uniforme sur le devant, plus
quatre boutons en os ou en bois, recouverts de tissu sur les manches.
Vers 1810, la mode ayant eu tendance à remonter la taille
et donc à raccourcir les vestes, certaines unités
ne portaient plus que dix boutons sur les devants.
Il y avait
de plus un "bouton à martingale", destiné
à fixer la martingale de la giberne, précaution nécessaire
puisque tout l’apprentissage, l’école du soldat, se faisait
en veste.
Ce bouton
était en buffle selon l’instruction de 1787. D’après
Bardin, il s’agissait d’un bouton à moule, c’est-à-dire
de bois ou d’os, recouvert de tissu. Il se plaçait dans le
dos, à l’endroit correspondant au bouton de taille de gauche.
En l’absence de textes précis, on peut supposer qu’il y aura
eu bien des variations de régiment en régiment quant
à la matière du bouton de martingale et à sa
situation précise.
Il fallait,
pour une veste,
- 1 aune de drap blanc (119cm), la largeur du drap est toujours
calculée sur une aune,
- 2 aunes 1/8 de cadis blanc pour la doublure (y compris les manches)
(sur 5/12e d’aune) et
- 1/4
d’aune de toile écrue (sur 7/8) pour la doublure des devants
de basques, celles des poches, et pour les droits-fils.
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