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La veste à manches

 

La Patience 5 - Reconstitution (décembre 1994) :

   
 

"Jetons un coup d’œil rapide sur la position du jeune soldat, depuis son arrivée au corps jusqu’au moment où il est considéré comme étant de la première classe ; il est d’abord affublé d’une petite veste à manches qu’on lui fait porter pendant sept à huit mois de l’année, pour prolonger la durée de l’habit ; ce costume qui paraît le placer à une distance immense de ses officiers, des sous-officiers et gardes nationales, l’humilie et le chagrine, surtout s’il jouissait d’une certaine aisance, quand il était dans le sein de sa famille." (Général Fririon, le Spectateur militaire, I, p 16.)

La veste à manches, on le voit dans cette citation, était l’habillement principal du soldat, lorsqu’il n’était pas en campagne. Mais même en campagne, la veste était souvent portée pour épargner l’habit, comme le confirme ce passage d’une lettre de Beaurepaire, commandant du bataillon de Mayenne-et-Loire. :

"Or, nos vestes à nous n’ont pas de manches, et songez quel va être notre embarras, car si on les laisse telles, et si, en mille occasions, elles ne peuvent remplacer et ménager les habits, nous ne ferons pas avec ceux-ci deux mois de campagne. L’infanterie est, de nécessité, en veste pour aller au bois, à la paille des tentes et à toutes les distributions, ainsi que pour travailler aux redoutes ou aux communications du camp. Si les vestes sont sans manches, comment faire pour tous ces services ?
Il faut des manches absolument.
"

C’est pourquoi il m’a paru utile d’étudier de plus près cet effet, si méconnu, et auquel on n’a pas attaché jusqu’à présent l’attention qu’il méritait.

Il convient ici de souligner la différence entre la veste et le gilet.
Le gilet n’était pas, à l’époque, une veste sans manches. D’ailleurs, on trouve dans les textes d’époque mention de vestes avec ou sans manches, et de gilets avec ou sans manches.

La différence entre ces deux pièces d’habillement se situe au niveau des basques : la veste en a, le gilet n’en a pas. Les basques sont la partie de l’habillement comprise entre la taille et le bas. Au bon vieux temps, un pourpoint avait toujours des basques. C’est un personnage de théâtre, le masque Gille, qui inaugura le pourpoint sans basques, vêtement somme toute assez rigolo pour l’époque. D’où le nom de gilet. On trouve dans les planches de l’Encyclopédie de Diderot & d’Alembert, à l’article Tailleur d’habits, différents patrons de veste , mais aussi celui d’un "gillet ou petite veste sans basques".

Le gilet, vêtement, fort indécent, il faut bien l’avouer, eut une grande vogue en France dans les années qui précédèrent la Révolution. Un des signes de la décadence, accompagnant l’anglomanie, avec le costume négligé, le frac, la chenille, et les culottes moulantes, jaunes de préférence.

Le règlement du 21 février 1779 introduisit le gilet dans l’armée, en tant que vêtement d’hiver, réservé aux troupes faisant la guerre dans les pays froids, et ne devant être porté, sous la veste, que dans les mois de novembre, décembre, janvier et février. C’était un "gilet croisé en estamette blanche, sans manches, à boutons d’étoffe et à un seul rang de boutonnières", dont la durée légale était de trois ans.

Le règlement d'habillement de 1786 donnait aux bas-officiers et aux soldats des régiments français des vestes de drap doublées de cadis. Pour l’infanterie étrangère, la veste devait être de tricot ou d’estamelle, doublée de toile.
Voici la description de la veste dans le règlement de 1786. Cette description reste valable jusqu’à la réforme de l’uniforme de 1812 :

La veste sera tenue assez longue de taille pour qu’elle emboîte bien les hanches, et que le bouton d’en bas couvre entièrement la ceinture de la culotte ; les boutonnières de devant seront faites en poil de chèvre, et croiseront sur une petite bande qui sera laissée le long des boutons, pour doubler l’ouverture des boutonnières ; celles des poches, dont la droite seulement sera ouverte, seront pareillement en poil de chèvre ; la longueur des basques, à compter du dernier bouton, sera de six pouces et demi, et elles seront doublées de toile ; les manches, qui seront ouvertes en dessous à l’ordinaire, seront cousues à la veste, excepté à l’endroit de l’aisselle.
Le collet de la veste sera droit comme celui de l’habit ; mais seulement de neuf lignes de hauteur ; il sera doublé de drap blanc qui débordera en liseré, et n’arrivera, étant attaché, qu’à un pouce du bord du devant de la veste. Les parements seront de deux pouces de haut, et cousus sur les manches, qui seront ouvertes de quatre pouces au-dessus du bras, et fermeront par deux petits boutons, l’un placé sur le parement, et l’autre sur le corps de la manche.

Les boutons de la veste, comme ceux de l’habit, devaient être de cuivre ou d’étain, suivant l’uniforme affecté à chaque régiment ; ils étaient au nombre de douze. Des études modernes et insuffisamment documentées ont montré des vestes n’ayant que huit boutons sur les devants, selon le calcul rapide qui ôte les quatre boutons des manches des douze boutons de la veste. Or, les boutons des manches n’étaient pas des boutons d’uniforme, mais des boutons à moule d’os ou de bois, et de ce fait n’étaient pas comptabilisés dans les devis, car ils étaient compris dans le montant accordé pour la confection, comme le fil.

Une instruction explicative de 1787 précise
Les boutons des parements sont en os et de forme concave pour tenir moins de place sous ceux de l’habit.

Retenons donc que les vestes avaient douze boutons d’uniforme sur le devant, plus quatre boutons en os ou en bois, recouverts de tissu sur les manches. Vers 1810, la mode ayant eu tendance à remonter la taille et donc à raccourcir les vestes, certaines unités ne portaient plus que dix boutons sur les devants.

Il y avait de plus un "bouton à martingale", destiné à fixer la martingale de la giberne, précaution nécessaire puisque tout l’apprentissage, l’école du soldat, se faisait en veste.

Ce bouton était en buffle selon l’instruction de 1787. D’après Bardin, il s’agissait d’un bouton à moule, c’est-à-dire de bois ou d’os, recouvert de tissu. Il se plaçait dans le dos, à l’endroit correspondant au bouton de taille de gauche. En l’absence de textes précis, on peut supposer qu’il y aura eu bien des variations de régiment en régiment quant à la matière du bouton de martingale et à sa situation précise.

Il fallait, pour une veste,
- 1 aune de drap blanc (119cm), la largeur du drap est toujours calculée sur une aune,
- 2 aunes 1/8 de cadis blanc pour la doublure (y compris les manches) (sur 5/12e d’aune) et
- 1/4 d’aune de toile écrue (sur 7/8) pour la doublure des devants de basques, celles des poches, et pour les droits-fils.

     

 

 

 

     

 

 

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