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Biographie
Universelle (Michaud), Tome 29, Paris 1821 :
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Montgolfier
(Joseph-Michel), habile mécanicien, et l'un des deux frères
inventeurs des aérostats, naquit, en 1740 à Vidalon-lès-Annonai.
Son père, qui donnait l'exemple des mœurs patriarcales au
milieu d'une famille nombreuse, vouée depuis longtemps à
la pratique des arts, dirigeait avec succès une papeterie
importante. Joseph Montgolfier, placé avec deux de ses frères
au collège de Tournon, ne put se plier à un mode régulier
d'enseignement, et s'enfuit à l'âge de treize ans,
déterminé à gagner les bords de la Méditerranée,
pour y vivre de coquillages. La faim l'arrêta dans une métairie
du Bas-Languedoc ; il s'y occupait à cueillir de la feuille
pour les vers-à-soie, lorsque ses parents le découvrirent,
et le remirent entre les mains de ses professeurs. Le dégoût
que ses études lui avaient inspiré s'accrut encore,
quand il fallut entamer celle de la théologie : un traité
d'arithmétique tomba sous ses yeux, et fut dévoré
avec transport ; mais incapable de s'assujettir aux déductions
méthodiques qui coordonnent les notions du calcul, Montgolfier
s'appliqua, par des tâtonnements intellectuels qui firent
toute sa vie ses délices, à combiner des formules
particulières, à l'aide desquelles il résolut
quelquefois jusqu'à des problèmes de géométrie
transcendante. Entraîné par sa passion pour l'indépendance,
il quitta sa ville natale, et alla s'enfermer, à Saint-Etienne
en Forez, dans un réduit obscur, où il vécut
du produit de la pêche, se livra solitairement à des
expériences chimiques, et fabriqua du bleu de Prusse et des
sels utiles aux arts, qu'il colportait lui-même dans les bourgs
du Vivarais. Le désir de connaître les savants le conduisit
à Paris ; et ce fut au café Procope qu'il entra en
communication avec eux. Son père le rappela pour partager
avec lui la direction de sa manufacture. Montgolfier voulut y mettre
à l'essai des moyens de perfectionnement : contrarié
dans ses vues par l'attachement exclusif de son père pour
des procédés consacrés par la tradition et
par la prospérité de son commerce, il s'associa un
de ses frères, et forma deux nouveaux établissements
à Voiron et à Beaujeu. Là son esprit inventif
put s'exercer en toute liberté; mais des spéculations
hasardées, des expériences ruineuses, et son insouciance
naturelle, dérangèrent notablement sa fortune. Il
sortit une seule fois de son caractère pour poursuivre un
de ses débiteurs : celui-ci eut l'adresse de surprendre un
moment la religion des juges, et de faire emprisonner Montgolfier.
Cette erreur fut enfin réparée ; et Montgolfier se
releva de cette adversité passagère avec une nouvelle
ardeur pour les découvertes, il avait simplifié la
fabrication du papier ordinaire, amélioré celle des
papiers peints de diverses couleurs, imaginé une machine
pneumatique à l'effet de raréfier l'air dans les moules
de sa fabrique, et préludé à l'invention des
planches stéréotypes, lorsque ses expériences
aérostatiques répandirent son nom dans toute l'Europe.
Les faiseurs d'anecdotes ont raconté de diverses manières
l'origine de cette découverte : suivant les uns, une chemise
que l'on chauffait, et qui voltigeait devant le feu, donna la première
idée des ballons à Etienne Montgolfier, qui, tout
de suite, fit avec une espèce de cornet de papier, à
la fumée de son foyer solitaire, la première expérience
des aérostats. Selon d'autres, Joseph se trouvait à
Avignon pendant le mémorable siège de Gibraltar. Seul
au coin de sa cheminée, il était disposé à
la méditation : une estampe qui représentait la ville
assiégée, appelle ses rêveries. Serait-il donc
impossible que les airs offrissent un moyen pour pénétrer
dans la place ? Ce doute est un trait de lumière : des vapeurs
telles que la fumée qui s'élève sous ses yeux,
emmagasinées en quantité suffisante (ce sont
ses expressions ), lui paraissent le principe d'une force ascensionnelle
assez considérable. Sur-le-champ il construit un petit parallélépipède
de taffetas, contenant environ quarante pieds cubes d'air, en échauffe
l'intérieur avec du papier, et le voit, avec satisfaction
s'élever jusqu'au plafond. Ces deux versions sont également
fausses. Si Joseph songea aux ballons pour Gibraltar, c'était
afin d'appliquer à cette circonstance une idée déjà
née et rendue commune aux deux frères (v. l'article
suivant ). Après s'être assurés, par de nouveaux
essais, de la justesse de leurs combinaisons, ils se décident
à en faire part au public ; et le 5 juin 1783, en présence
des députés aux états particuliers du Vivarais,
et de toute la ville d'Annonai, ils lancent un appareil sphérique
construit en toile doublée de papier , de cent-dix pieds
de circonférence, et d'un poids de cinq cents livres. La
machine, dont les plis annonçaient qu'elle était dégagée
d'air, n'eut pas plutôt été remplie de vapeurs,
qu'elle parvint, en dix minutes, à mille toises d'élévation.
Etienne Montgolfier se rendit à Paris, pour exposer leur
commune découverte. Il répéta devant la cour,
à Versailles, le 20 septembre suivant, l'expérience
d'Annonai , avec un globe construit sur le même modèle,
et mû par les mêmes procédés. Des animaux
placés dans un panier attaché à l'appareil,
n'éprouvèrent aucun mal ; et l'on fut convaincu que
des hommes pourraient prendre possession de l'atmosphère,
sans courir des dangers imminents. Pilatre de Rozier, et le marquis
d'Arlandes, osèrent les premiers partir, à ballon
perdu, du château de la Muette, et parcoururent, en dix-sept
minutes, un espace de quatre mille toises. L'année suivante
( le 19 janvier 1784), Joseph Montgolfier exécuta, lui septième,
à Lyon, dans un aérostat de cent-deux pieds de diamètre
sur cent-vingt-six de hauteur, le troisième voyage aérien.
L'enthousiasme de ceux qui voulaient l'accompagner fut tel, qu'il
s'en fallut peu qu'ils ne soutinssent leurs prétentions par
les armes (1). On montait avec sécurité dans ces frêles
machines appelées Montgolfières, du nom de
leur inventeur ; l'engouement, et une vaine ostentation de courage,
étourdissaient sur des dangers qui auraient frappé
des esprits plus calmes. Les frères Montgolfier, après
avoir songé à toutes les substances aériformes
que la chimie leur indiquait comme spécifiquement plus légères
que l'air atmosphérique, après avoir essayé
l'eau réduite a l'état de vapeurs, le fluide électrique,
et même le gaz hydrogène, avaient préféré
pour gonfler l'enveloppe de leurs aérostats, le fluide obtenu
par la combustion d'un certain nombre de livres de paille et de
laine hachée, comme plus économique, et susceptible
de se renouveler avec facilité. Dans leur manière
d'opérer, l'air atmosphérique était dilaté
par la chaleur d'un fourneau placé sous l'orifice inférieur
de l'aérostat. De là, deux inconvénients capitaux
: 1°. le feu qu'il était nécessaire d'entretenir
pouvait attaquer les parois de la galerie ; 2°. il était
impossible de mesurer exactement l'augmentation de chaleur nécessaire
pour monter, et la diminution d'où devait résulter
l'abaissement sans secousses de la machine. M. Charles, qui avait
cherché des moyens autres que ceux de Montgolfier, lorsque
ceux-ci n'étaient pas encore connus, adopta des matières
différentes pour ses ballons, qui ont fini par prévaloir
sur les montgolfières. Il employa le gaz hydrogène,
dont la densité n'est qu'un quinzième de celle de
l'air commun, et qui procure une force ascensionnelle soutenue,
et indépendante de tout travail. Restait à trouver
une enveloppe imperméable : il choisit le taffetas vernissé
de gomme élastique dissoute à chaud dans l'huile de
térébenthine. Un ballon de vingt-six pieds de diamètre
disposé ainsi, et parti des Tuileries, le porta avec le mécanicien
Robert, son compagnon, à une distance de neuf lieues de la
capitale : ayant pris pied à terre, il remonta seul, à
une hauteur de mille sept-cent-cinquante toises. Ce mode d'ascension,
plus commode et plus sûr, a été généralement
adopté pour les voyages aériens, qui dégénérèrent
en vains spectacles, lorsqu'on n'entrevit point la possibilité
de diriger les aérostats, et que les baquets de Mesmer s'emparèrent
de l'enthousiasme public. La faveur qui avait environné précédemment
la découverte de Montgolfier, avait trouvé, surtout
en France, d'injustes contradicteurs. On exhuma des ouvrages dès
longtemps oubliés, où l'on prétendit qu'il
avait puisé l'idée de ses machines aériennes
; on cita des assertions vagues , et jusqu'a des romans de physique
assez semblables aux folles imaginations de Cyrano de Bergerac ;
on rappela Roger Bacon, le P. Lana, Borelli, le dominicain Galien,
le portugais Gusmao, et Cavallo, qui,à Londres, avait fait
voltiger des bulles d'eau de savon imprégnée d'air
inflammable ( V. Lana ). L'académie des sciences se prononça
contre ces détracteurs d'une gloire contemporaine, en accueillant
Etienne Montgolfier, et en le plaçant, ainsi que son frère,
sur la liste de ses correspondants. Une gratification de 40.000
fr. fut destinée à la construction d'un aérostat
qui devait servir à chercher des moyens de direction. Mais
l'impulsion des vents parut aux frères avoir trop de prise
sur la masse de l'air, pour qu'ils attendissent autre chose que
de faibles résultats. Cependant ils avaient fait des essais,
dans de petites dimensions, pour maîtriser les mouvements
d'un aérostat en temps calme ; et ils avaient construit une
machine de deux cent soixante-dix pieds de diamètre, d'une
capacité suffisante pour enlever 1200 hommes avec armes et
bagages. Il ne faut point oublier que le premier emploi des parachutes
se rattache aux expériences aérostatiques de Joseph
Montgolfier. Il essaya d'abord cet appareil à Avignon ; et
il l'ajouta aux globes qu'il fit élever à Annonai.
Pendant les troubles de la révolution, Mongolfier se tint
à l'écart, poursuivant en paix ses méditations
chéries, que sa sollicitude pour sauver les victimes de ces
temps malheureux pouvait seule interrompre. Les services qu'avait
rendus l'aérostat à notre armée dans les champs
de Fleurus, n'attirèrent point sur lui les regards du gouvernement.
Plus tard, son nom frappa Buonaparte : lorsque, premier consul,
il distribua des croix de la légion d'honneur aux citoyens
qui avaient contribué aux progrès de l'industrie nationale,
Montgolfier reçut la décoration ; mais là se
borna l'intérêt que lui avait témoigné
le chef de l'Etat. Plus tard il fut nommé administrateur
du conservatoire des arts et métiers, et membre du bureau
consultatif des arts et manufactures près le ministère
de l'intérieur. Il prit place à l'Institut, en 1807
; ce fut lui qui, dans une promenade à la campagne avec quatre
de ses amis, conçut la première idée de la
société d'encouragement de l'industrie. Les frères
Montgolfier ont surtout bien mérité des arts par leur
bélier hydraulique, qui, sans piston, sans frottement, par
la seule impulsion d'une légère chute d'eau, porte
l'eau à une élévation de 60 pieds. Joseph l'adapta
pour la première fois, en 1792, aux besoins de sa papeterie
de Voiron, et le perfectionna depuis à Paris. Il a légué
à son fils, héritier de son goût pour la mécanique,
les conceptions auxquelles il s'était livré pour substituer
aux pompes à vapeur un appareil vingt fois plus économique,
qu'il appelle Pyrobélier. On connaît encore
de lui un procédé fort ingénieux, au moyen
duquel un bateau peut remonter une rivière rapide par la
force même du courant, en prenant son point d'appui au fond
de l'eau. Les Annales des arts et manufactures contiennent
la description de son calorimètre, instrument qu'il imagina
pour déterminer la qualité des différentes
tourbes du Dauphiné. Revenant, à son insu, sur les
traces de Pascal, il exécuta une presse hydraulique ; et
dans un séjour en Angleterre, il fit part de cette conception
à Bramah, qui, en la réalisant de son côté,
reconnut les droits de priorité de Montgolfier. « Les
annales de chimie, dit M. Degérando, ont donné,
en 1810, la description de son ventilateur pour distiller à
froid, par le contact de l'air en mouvement, comme aussi celle de
son appareil pour la dessiccation en grand et à froid, des
fruits, et autres objets de première nécessité,
de manière à ce qu'ils soient conservés sans
altération, et puissent être rétablis ensuite
dans leur état primitif par la restitution de l'eau. Il voulait
dessécher par ce procédé le moût de raisin,
le vin et le cidre, les rendre, après qu'ils auraient été
ainsi réduits en tablettes de petit volume, transportables
à de grandes distances avec économie.»
Montgolfier portait dans ses habitudes cette simplicité naïve,
cette apathie apparente, ces distractions qui rappellent toujours
le caractère de La Fontaine. Frappé d'une apoplexie
sanguine et d'une hémiplégie, qui lui ôtèrent
le libre usage de la parole, il s'était rendu aux eaux de
Balaruc, où il mourut, le 26 juin 1810. Il communiquait libéralement,
dans la conversation, ses différentes vues sur les arts ;
mais il éprouvait une extrême répugnance à
les fixer méthodiquement sur le papier. Outre quelques feuilles
perdues dans différents recueils, on a de lui : I. Discours
sur l'aérostat, 1783,10-8°. II. Mémoire
sur la machine aérostatique, 1784, in-8°. III. Les
Voyageurs aériens, 1784, in-8°. MM. Delambre et
Dégérando ont composé chacun l'éloge
de Joseph Mongolfier. F—T.
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(1)
Pour le détail des premières expériences aerostatiques
, voyez l'Histoire de l'aérostation par Çavallo, les
ouvrages de Faujas de Saint-Fond, et la Continuation de la suite
de la grande Notice de l'almanach sous verre, in-4°. |
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Biographie
Universelle (Michaud), Tome 29, Paris 1821 :
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Montgolfier
(Jacques-Etienne), frère du précédent, naquit
le 7 janvier 1745 , à Vidalon-lès-Annonai. Envoyé
fort jeune au collège de Sainte-Barbe, à Paris, il
s'y distingua dans ses études de latin et de mathématiques.
On le destinait à l'architecture, et il fut élève
de Soufflot. La modique pension que son père lui avait assignée
fut entièrement consacrée à acheter des livres,
des instruments de mathématiques, et à faire des expériences.
Il employait encore au même usage le prix des plans qu'il
était chargé de lever, et faisait ainsi servir les
talents déjà acquis à en acquérir de
nouveaux. Chargé d'élever la petite église
de Faremoutier, détruite depuis dans la révolution,
ce fut en la faisant bâtir qu'il connut M. Réveillon.
Celui-ci, d'abord son protecteur, bientôt son ami, lui confia
la construction de la manufacture qu'il commençait à
établir dans ce même village, et plus tard, dans l'empressement
de l'amitié, sacrifia ses beaux jardins du faubourg Saint-Antoine,
pour les faire servir aux premières expériences des
ballons. Montgolfier était livré tout entier à
ces travaux, lorsque la mort de l'aîné de ses frères
décida son père à le rappeler, pour le mettre
à la tête de sa manufacture. Il revint dans la maison
paternelle, rapportant, sous des cheveux blanchis avant trente ans,
un trésor d'idées mûries par l'étude.
Trop profond mathématicien pour donner beaucoup au hasard
dans ses expériences, il rendit bientôt ses connaissances
fructueuses et son établissement florissant. Plusieurs machines
nouvelles, plusieurs procédés plus simples introduits
dans la fabrication, des améliorations dans les colles, dans
les séchoirs ; l'invention des formes pour le papier grand-monde,
alors inconnu ; le secret du papier vélin, plusieurs méthodes
des ateliers hollandais et anglais, que sa sagacité devina
pour en faire présent à son pays, commençaient
à faire connaître Etienne, lorsque, revenant de Montpellier,
où il avait acheté et lu attentivement l'ouvrage de
Priestley sur les différentes espèces d'air ; réfléchissant
profondément sur ce livre, en montant la côte de Serrières,
il fut frappé de la possibilité de rendre l'espace
navigable en s'emparant d'un gaz plus léger que l'air atmosphérique.
Il approfondit cette idée, en médite les moyens, les
résultats, et s'écrie en rentrant chez lui : Nous
pouvons maintenant voguer dans l'air ! Cette idée, alors
extravagante pour tout autre, communiquée à son frère
Joseph, que des rapports de goûts, d'études, et une
vive affection, avaient rendu un autre lui-même, en fut reçue
avec transport. Les calculs , les expériences, tout se fit
en commun ; et nous nous garderons bien de délier ce faisceau
d'amitié fraternelle, en faisant à chacun sa part
de gloire, lorsque tous deux se sont plu à la confondre.
Après l'essai de plusieurs combustibles, du gaz inflammable,
du fluide électrique ; après plusieurs tentatives
particulières, d'abord avec des globes de papier à
Vidalon, ensuite par Joseph à Avignon, avec un ballon de
taffetas, ils firent, aux Célestins, près d'Annonai,
le premier essai du globe de 110 pieds de circonférence avec
lequel eut lieu, dans Annonai même, l'expérience publique
du 5 juin 1788 ( V. l'article précédent ). Etienne
Montgolfier fut alors engagé par ses amis et par son frère
à se rendre à Paris, pour y exposer une découverte,
dont la gloire leur était commune, et qu'ils voulaient utiliser
en l'employant à l'exploitation des beaux bois qui couronnent
les montagnes, et que la difficulté des transports rend inutiles.
L'expérience aérostatique fut répétée
devant la cour, à Versailles, et avec plus de hardiesse au
château de La Muette ( V. l'article précédent
). Une médaille de 18 lignes, frappée au moyen d'une
souscription sous la direction de M. Faujas de Saint-Fond, et portant
l'effigie des deux frères, et une autre d'un plus grand module
(22 lignes), rappellent ces diverses ascensions. Les deux Montgolfier
furent nommés correspondants de l'académie des sciences.
Etienne, présenté à la cour, fut décoré
du cordon de Saint-Michel ; et cette faveur ne pouvant se partager,
il obtint pour Joseph une pension de mille francs, et accepta, pour
son vieux père, des lettres de noblesse, qu'il avait refusées
pour lui-même. Quarante mille francs, destinés à
des expériences dirigées vers un but utile, lui furent
remis par Louis XVI. Les matériaux étaient achetés,
mis en œuvre par MM.Montgolfier, et leurs expériences commençaient,
lorsque la révolution vint tout suspendre. Le caractère
d'Etienne était trop simple, trop étranger à
la vanité, pour qu'il fût ébloui de l'enthousiasme
qui l'accueillait à Versailles et à Paris ; mais il
fut très flatté de l'estime, et très-touché
des sentiments que lui montrèrent les savants et les hommes
les plus distingués, Malesherbes, Lavoisier, La Rochefoucauld,
Boissy d'Anglas, etc. Rentré dans sa manufacture, et continuant
à s'en occuper dans le même esprit d'amélioration,
Etienne reprit ses entretiens et ses études avec Joseph ;
tous deux travaillèrent à l'invention du bélier
hydraulique : plusieurs changements heureux introduits dans la fabrication
du papier sont également dus à l'association de leurs
idées. Dénoncé plusieurs fois pendant la terreur,
Etienne ne fut sauvé d'une arrestation qui équivalait
à un arrêt de mort que par l'affection de ses nombreux
ouvriers. Mais en vain la chute de Robespierre leva le couteau suspendu
sur tant de têtes : la mort de ses amis, les malheurs de la
patrie, avaient rempli son âme d'un chagrin profond ; une
maladie au cœur commençait à se développer
: il se rendit à Lyon avec sa famille ; mais les secours
de la médecine devenant inutiles, il pressentit sa fin prochaine.
Voulant épargner à sa femme et à ses enfants
le spectacle de sa mort, il partit seul pour Annonai, après
avoir mis ordre à ses affaires ; et, comme il l'avait prévu,
il mourut en chemin, à Serrières , le 2 août
1799. Z. |
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