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Bouillé

 

Biographie Universelle (Michaud), Tome 5, Paris 1812 :

   
  Bouillé (François-Claude-Amour, marquis de), gentilhomme de l'ancienne province d'Auvergne , l'un des militaires les plus distingués du règne de Louis XVI , fit ses premières armes dans un régiment de dragons, devint colonel du régiment de Vexin, infanterie, et ensuite maréchal-de-camp. Lors de la guerre d'Amérique, Bouillé fut envoyé comme gouverneur-général dans les îles du Vent ; il s'empara successivement de la Dominique, de St.Eustache, de Tabago, de St.-Christophe , de Nieves et de Montserrat ; mais son plus beau titre de gloire est d'avoir su défendre et conserver nos nombreuses possessions dans les Antilles, tour à tour menacées par les Anglais, en l'absence de l'armée navale, qui était allée, en 1781, protéger le siège d'York en Virginie. Partout où l'ennemi se présenta , il trouva Bouillé, et Bouillé valait à lui seul une armée, par la confiance qu'il inspirait à la garnison de chacune des îles, et par la crainte que son nom imprimait à l'ennemi, qui renonça à toute entreprise. Ce fut alors que ce général, aussi actif que vigilant, après avoir trompé l'amiral anglais par d'habiles manœuvres, alla tomber à l'improviste sur Saint-Eustache, et l'enleva, sans coup-férir, à un ennemi pris au dépourvu. De retour en France, à la paix de 1783, ses services furent récompensés par le grade de lieutenant-général et par le collier des ordres du roi. Durant le peu d'années de tranquillité qui s'écoulèrent après la paix de 1783, le général Bouillé voyagea en Angleterre, en Hollande et dans diverses contrées de l'Allemagne. En 1786, il fut question, dans le cabinet de Versailles, de concert avec le parti patriote hollandais, d'attaquer les Indes orientales, et, en cas de succès, d'en rendre le commerce libre à toutes les nations. Dix-huit mille hommes, transportés dans ces contrées, sur les vaisseaux hollandais, étaient destinés à agir sous le commandement de Bouillé ; on devait céder Trinquemale à la France, comme point d'appui ; mais, pour qu'une telle expédition pût réussir, il fallait que le parti patriote hollandais conservât sa prépondérance, et, pour cela, détacher le roi de Prusse du parti du stathouder. Le cabinet de Versailles avait projeté, dans cette intention , une alliance avec Frédéric, qui la désirait ; cette alliance fut négligée, le stathouder rétabli dans ses privilèges, et l'expédition des Indes orientales se trouva abandonnée. Bouillé partit pour son commandement des trois évêchés, d'où il fut appelé quelque temps après par le roi aux assemblées des notables qui précédèrent la convocation des états-généraux. Dans les premières années de la révolution, il maintint l'ordre, autant que cela était possible, dans le pays où il commandait; la sûreté individuelle, et les propriétés y furent constamment respectées. Sur {linvitation pressante de Louis XVI et de la Tour-du-Pin, son ministre, il prêta, en 1790, serment de fidélité a la constitution terminée en 1791, et dont on n'avait encore posé que les principales bases, formalité qu'on exiogeait des troupes, et qu'il avait plusieurs fois refusé de remplir. Cependant, Bouillé désirait aussi des réformes dans l'ancienne constitution française, et la complaisance avec laquelle il parle du gouvernement anglais, indique assez qu'il eût désiré un état de choses à peu près semblable. Lors de la fédération du 14 juillet, une insurrection violente s'étant manifestée dans la garnison de Metz, il réussit presque seul à la calmer. Un régiment voulait enlever ses drapeaux et la caisse militaire déposés chez son colonel ; Bouille appela à lui les officiers, et se précipita devant la porte l'épée à la main ; les compagnies de grenadiers, qu'animaient les cris de la populace, tournèrent leurs baïonnettes contre lui, menaçant de le percer : il ne se laissa point intimider, et resta pendant deux heures dans cette attitude ; enfin, la municipalité vint le dégager, et les troupes rentrèrent dans l'ordre. Peu de temps après l'insurrection de Metz, Bouillé reçut, d'après un décret de l'assemblée constituante, l'ordre de marcher contre la garnison de Nancy, qui, jointe au peuple de cette ville, s'était rendue coupable d'une révolte bien plus sérieuse. Le corps qu'il commandait, composé de soldats de ligne et de gardes nationales, pénétra bientôt dans la ville après avoir essuyé les provocations et le feu des insurgés ; quarante officiers et quatre cents soldats furent tués, mais l'insurrection fut comprimée. Il donna dans cette occasion de nouvelles preuves de son intrépidité et de son sang-froid dans les plus grands dangers. Depuis lors , il fut en butte au parti révolutionnaire, qui ne cessa de le présenter sous les couleurs les plus odieuses. Cependant l'assemblée nationale lui vota des remerciements pour sa conduite à Nancy; le roi lui écrivit qu'il avait acquis des droits éternels à son estime et à son amitié : « Je sais, disait ce prince, en terminant sa lettre, qu'un de vos chevaux, que vous aimiez beaucoup, a été tue sous M. de Gouvernet ; je vous en envoie un des miens que j'ai monté, et que je vous prie de garder pour l'amour de moi. » Peu de temps après cet événement, Bouille fut choisi par Louis XVI pour protéger sa retraite dans une ville frontière : le général avait un autre projet ; il voulait engager le roi à se rendre seulement à l'armée, à une distance plus rapprochée de Paris, et à négocier de là, avec l'assemblée, la révision de la constitution qui n'était pas encore terminée. Le roi ne goûta pas cette proposition, ou plutôt la mort de Mirabeau, qui devait concourir à son exécution, empêcha qu'elle ne fût réalisée. Il s'établit, entre Louis XVI et le marquis de Bouillé, à l'occasion de la retraite projetée, une correspondance secrète qui dura environ huit mois. Le roi partit de Paris le 20 juin 1791, et fut arrêté à Varennes le 21 ; la mauvaise volonté des troupes qui devaient protéger son passage, et la négligence de quelques jeunes gens à exécuter les ordres qu'ils avaient reçus du général, firent échouer cette tentative. Bouillé n'ayant pu arriver à temps pour dégager le roi, fut obligé de s'enfuir lui-même, et de passer chez l'étranger, au milieu des coups de fusils qu'on tirait sur lui. Décrété d'accusation , il écrivit de Luxembourg, à l'assemblée nationale, une lettre dictée par son attachement à la personne du roi, mais dont le ton menaçant produisit un effet tout différent de celui qu'il en attendait : dès-lors il forma le projet d'engager les puissances étrangères à combattre la France. Il eut, sur ce point, des conférences avec le roi de Suède à Aix-la-Chapelle, et lui fit goûter ses projets. L'impératrice de Russie entra aussi dans ses vues, et promit trente-six mille hommes, qui devaient, sous le commandement du monarque suédois et du général français, débarquer sur les côtes de Flandre ; mais le roi de Suède fut assassiné, Catherine oublia ses promesses, Bouillé se réfugia en Angleterre, vers la lin de 1792 , et mourut à Londres le 14 novembre 1800, âgé d'environ soixante-deux ans. Il a laissé, sur la révolution française , un ouvrage curieux, d'abord imprimé en anglais, Londres, 1797, in-8°., traduit en allemand, Luxembourg, 1798, in-8°., et enfin imprimé en français sous ce titre : i-Mémoires sur la révolution française, depuis son origine jusqu'à la retraite du duc de Brunswick , imprimés sur le manuscrit original, revus et corrigés par l'auteur peu de temps avant sa mort, et augmentés de notes et de pièces essentielles qui ne se trouvent pas dans l'édition anglaise, Paris, 1801, 2 vol.in-12. • Cette édition fit oublier la traduction française qu'on avait faite de la version anglaise en 2 vol. in-8°. B—u.  

 

 

 

 

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