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Dernière modification: 29/11/2002 Exposé de la situation de la République. C’est
avec une douce satisfaction que le Gouvernement
offre à la nation le tableau de
la situation de la France pendant l'année, qui vient de s'écouler. Tout, au
dedans et au dehors, a pris une face nouvelle ; et de quelque côté que portent
les regards, s'ouvre une longue perspective d'espérance et de bonheur.
Dans l'ouest et dans
le midi, des restes de brigands infestaient les routes et désolaient les
campagnes, invisibles à la force armée qui les poursuivait, ou protégés
contre elle par la terreur même qu’ils inspiraient à leurs victimes,
jusqu’au sein des tribunaux, si
quelquefois ils y étaient traduits, leur audace
glaçait d'effroi les accusateurs et les témoins, les jurés et les juges. Des
mains de la justice, ces monstres impunis s'élançaient à de nouveaux forfaits. II fallait,
contre ce fléau destructeur de toute société, d’autres armes que les formes
lentes et graduées avec lesquelles la vindicte publique poursuit des coupables
isolés qui se cachent dans le silence et dans l'ombre. Des tribunaux
spéciaux ont été créés, dont l'action plus rapide et plus sûre pût les
atteindre et les frapper. De grands coupables ont été saisis ; les témoins
ont cessé d'être muets ; les
juges ont obéi à leur conscience, et la société a été vengée. Ceux qui ont échappé
à la justice, fuient désormais de repaire en repaire ; et chaque jour la République
vomit de son sein cette dernière écume des vagues qui l'ont si longtemps agitée.
Cependant
l'innocence n'a eu rien à redouter; le sécurité des citoyens n'a point été
alarmée des mesures destinées à punir leurs oppresseurs; et les sinistres présages
dont on avait voulu épouvanter la liberté, ne se sont réalisés que contre le
crime. Du mois de
floréal an IX jusqu'au 1er vendémiaire cent vingt-quatre jugements ont été
prononcés par les tribunaux spéciaux : dix-neuf seulement ont été rejetés
par le tribunal de cassation, à raison d'incompétence. On ne peut donc leur
reprocher ni excès de pouvoir, ni invasion de la justice ordinaire. Le
Gouvernement, dès les premiers jours de son institution, proclama la liberté
des consciences. Cet acte solennel porta le calme dans des âmes que des
rigueurs imprudentes avaient effarouchées. Il a depuis annoncé la fin des
dissensions religieuses ; et en effet, des mesures ont été concertées avec le
souverain Pontife de l'Église catholique, pour réunir dans les mêmes
sentiments ceux qui professent une commune croyance. En même temps, un
magistrat chargé de tout ce qui concerne les cultes,
s’est occupé des droits de
tous. Il a recueilli, dans des conférences avec des ministres luthériens et calvinistes ,
les lumières nécessaires pour
préparer les règlements qui. assureront a tous la liberté qui leur
appartient, et la publicité que l'intérêt de l'ordre social autorise à leur
accorder. Des mesures égales
pourvoiront à l'entretien de tous les cultes ; rien ne sera laissé à la
disposition arbitraire de leurs ministres, et le trésor public n'en sentira
point de surcharge. Si quelques
citoyens avaient été alarmés par de vaines rumeurs, qu'ils se rassurent: le
Gouvernement a tout fait pour rapprocher les esprits; mais il n'a rien fait qui
pût blesser les principes et l'indépendance des opinions. La paix
continentale fixa ce qui restait encore d'inquiétude et de craintes
vagues dans les esprits. Déjà, heureux de tout le bonheur qu'ils
attendaient encore, les citoyens se reposèrent au sein de
la Constitution, et y attachèrent toute leur destinée. Des administrateurs
éclairés et fidèles ont bien secondé cette disposition des esprits ; presque
partout l'action de l’autorité, transmise par eux, n'a rencontré
qu'empressement, amour et reconnaissance. De là, dans le
Gouvernement, cette sécurité qui a fait sa force. Il n'a pas plus douté de
l'opinion publique que de ses propres sentiment , et il a osé la
provoquer sans craindre sa réponse.
Ainsi, un prince
issu d'un sang qui régna sur la France, a traversé nos départements,
a séjourné dans la capitale, a reçu du Gouvernement les honneurs qui étaient dus à sa couronne, a reçu des
citoyens tous les égards qu'un peuple doit à un autre peuple dans la personne
de celui qui est appelé à le gouverner, et aucun soupçon n'a altéré le
calme du commandement, aucune rumeur n’a troublé la tranquillité des esprits
; partout on a vu la contenance d’un peuple libre et les affections d’un
peuple hospitalier : les étrangers,
les ennemis de la patrie ont
reconnu que la république était dans le cœur des Français, et qu'elle y
avait déjà toute la maturité
des siècles. La
rentrée de nos guerriers sur le territoire de la France, a été une suite de fêtes
et de triomphes. Ces vainqueurs si redoutés
dans les combats, ont été parmi nous des amis et des frères ; heureux du
bonheur public, jouissant sans orgueil de la reconnaissance
qu'ils avaient méritée, et se montrant,
par la plus sévère discipline, dignes des victoires qu’ils avaient
obtenues. Dans la guerre
qui nous restait encore à soutenir, les événements ont été mêlés
de succès et de revers. Réduite à lutter contre la marine
d’Angleterre avec des forces inégales, notre marine s'est montrée avec courage sur la Méditerranée couverte
de flottes ennemies ; elle a rappelé sur l’Océan quelques souvenirs de son
ancien éclat ; elle a, par une glorieuse résistance,
étonné l’Angleterre, accourue sur ses rives pour être
témoin de sa défaite ; et
sans le retour de la paix, il lui était permis d'espérer qu'elle vengerait les
malheurs passés et les fautes qui les avaient produits. En Égypte, les
soldats de l'armée d'Orient ont cédé ; mais ils ont cédé aux circonstances
plus qu'aux forces de 1a Turquie et de l'Angleterre ; et certainement ils
eussent vaincu s'ils avaient combattu réunis. Enfin ils rentrent dans leur
patrie: ils y rentrent avec la gloire qui est due à quatre années de courage
et de travaux ; ils laissent à l'Egypte d'immortels souvenirs, qui, peut-être
un jour y réveilleront les arts et les institutions sociales. L'histoire, du
moins, ne taira pas ce qu'ont fait les Français pour y reporter la civilisation
et les connaissances de l'Europe : elle dira par quels efforts ils l'avaient
conquise ; par quelle sagesse, par quelle discipline ils l'ont si longtemps
conservée ; et, peut-être, elle
en déplorera la perte comme une nouvelle calamité
du genre humain. Vingt-huit mille Français entrèrent en Egypte pour la conquérir;
d'autres y ont été depuis envoyés à différentes époques ; mais d'autres,
en nombre à peu près égal, en étaient revenus. Vingt-trois mille rentrent en
France après l'évacuation, non compris les étrangers qui ont suivi leur
fortune. Ainsi, quatre campagnes, de nombreux combats, et les maladies,
n’auront pas enlevé un cinquième de 1’Armée d'Orient. Après
la guerre continentale, tout ce que les circonstances ont permis de réformes
dans le militaire, le Gouvernement les a
opérées. Des congés
absolus sont accordés ; ils le sont sans préférence, sans faveur,
et dans un ordre irrévocablement fixé. Ceux qui les premiers ont pris les
armes pour obéir aux lois de la réquisition en obtiennent les premiers. Pour remplir le vide
que ces congés laisseront dans l’armée, il sera nécessaire
d’appeler des conscrits de 1’an IX et de l’an X ; et,
dans cette session, un projet de loi sera proposé au Corps législatif
pour les mettre a la disposition du Gouvernement : mais le Gouvernement
n'en appellera que le nombre qui sera strictement nécessaire
pour maintenir l'armée au complet de l'état
de paix. Nous jouirons
de la paix ; mais la guerre nous laissera un fardeau qui pèsera longtemps sur
nos finances : acquitter des dépenses qui n'ont pu être prévues ni calculées,
récompenser les services de nos défenseurs,
ranimer les travaux dans nos arsenaux et dans nos ports, rendre une marine a la France,
recréer tout ce que la
guerre a détruit, tout ce que le
temps a consumé, porter enfin tous nos établissements au point
où les demandent la grandeur et la sûreté de la République ;
tout cela ne peut se faire qu’avec un accroissement de revenus. Les revenus s'accroitront
d'eux-mêmes avec la paix ; le Gouvernement les ménagera avec la plus sévère
économie : mais si l'accroissement naturel des revenus, si l'économie la plus sévère
ne peuvent suffire, la nation jugera les besoins, et le Gouvernement
proposera les ressources que les circonstances rendront nécessaires. Dans tout le cours de l'an
IX , à
peine quelques communications
rares ont existé entre la métropole et ses colonies. La Guadeloupe a conservé
un reste de culture et de prospérité ; mais la souveraineté de la République
y a reçu plus d’un outrage. En l'an VIII un agent unique y commandait ; il
est déporté par une faction. Trois agents lui succèdent ; deux déportent le
troisième, et le remplacent par un homme de leur choix. Un autre meurt ; et les
deux qui restent, s’investissent seuls du pouvoir qui devait être
exercé par trois. Sous cette agence mutilée et illégale, l'anarchie, le
despotisme, règnent tour à tour ; les
colons, les alliés l'accusent et lui imputent des erreurs et des crimes.
Le Gouvernement a tenté d'organiser une administration nouvelle ; un capitaine
général, un préfet, un commissaire de justice, subordonnés entre eux, mais
se succédant l’un à l’autre, si les circonstances l'exigent, offrent un
pouvoir unque, qui a une sorte de censure, mais point de rivalité qui en
trouble l'action et en paralyse la force. Cette administration existe ; et bientôt
on saura si elle a justifié les espérances qu'on en avait conçues. Dès son arrivée,
le capitaine général a eu à combattre l’esprit de faction : il a cru devoir
envoyer en France treize individus artisans de troubles et moteurs des déportations.
Le Gouvernement
a pensé ,que de pareils hommes seraient dangereux en France, et a ordonné qu'ils fussent renvoyés
dans celle des colonies qu’ils
voudraient choisir, la Guadeloupe exceptée. A Saint-Domingue,
des actes. irréguliers ont alarmé la soumission. Sous des apparences équivoques,
le gouvernement n’a voulu voir
que l’ignorance qui confond les noms et les choses, qui
usurpe quand elle ne croit qu'obéir: mais une flotte et une armée qui s’apprêtent
à partir des ports de l'Europe, auront bientôt dissipé tous les nuages ; et
Saint-Domingue rentrera toute
entière sous les lois de la République. A Saint-Domingue et
à la Guadeloupe il n'est plus d'esclaves ; tout y est libre, tout y
restera libre. La sagesse et le
temps y ramèneront l'ordre, et y rétabliront la culture et les travaux. A la
Martinique, ce seront des principes différents. La Martinique a conservé l’esclavage, et l’esclavage y sera conservé. Il en
a trop coûté à l'humanité pour tenter encore dans cette partie une
révolution nouvelle. La Guiane a
prospéré sous un administrateur actif et vigoureux; elle prospérera davantage
sous l'empire de la paix, et agrandie
d'un nouveau territoire qui appelle la culture et promet des richesses. Les îles de France
et de la Réunion sont restées fidèles à la métropole, au milieu des
factions, et sous une administration faible, incertaine, telle que le hasard l'a
faite, et qui n'a reçu du Gouvernement ni impulsion, ni secours. Ces colonies
si importantes sont rassurées ; elles ne craignent plus que la métropole en
donnant la liberté aux noirs ne constitue l'esclavage des blancs. L'ordre établi,
dès l'année dernière, dans la perception des revenus et dans la distribution
des dépenses, n'avait laissé que peu d'améliorations à faire dans cette
partie. Une surveillance active a porté la lumière sur des dilapidations passées
et sur des abus présents : des coupables ont été dénoncés à l'opinion
publique et aux tribunaux. L:action des régies
a été concentrée ; et de là, plus
d'énergie et d’ensemble dans l'administration, plus de célérité dans les
informations et dans les résultats. Des mesures ont été
prises pour accélérer encore les versements dans les caisses publiques, pour
assurer plus de régularité dans
l'acquittement des dépenses, pour en rendre la comptabilité plus simple et
plus active. L'art des
faussaires a fait des progrès alarmants pour la société. Avec des pièces
fausses on établissait des fournitures qui n'avaient jamais été faites ; on
en établissait sur des pièces achetées à Paris ; et avec ces titres on
trompait les liquidateurs et on dévorait la fortune publique. Pour prévenir désormais
ces abus et ces crimes, le Gouvernement a voulu que les liquidations faites dans
les bureaux des ministres fussent soumises a une nouvelle épreuve , et ne
constituassent la République débitrice, qu'après qu'elles auraient été vérifiées
dans un conseil d'administration. Le ministre des
finances est rendu tout entier aux travaux qu'exigent la perception des revenus
et le système de nos contributions. Un autre veille
immédiatement sur le dépôt de la fortune publique et sa responsabilité
personnelle en garantit l'inviolabilité. La caisse
d'amortissement a reçu une organisation plus complète. Un seul homme en dirige
les mouvements ; mais quatre administrateurs en surveillent les détails ;
conseils, et , s'il le fallait, censeurs de l'agent qu'ils doivent seconder. La propriété
la plus précieuse de la République , les forêts nationales ont été confiées
à une administration qui, toute entière à cet objet unique, y portera des
yeux plus exercés, des connaissances plus positives , et une surveillance plus
sévère. L'instruction
publique a fait quelques pas à Paris , et dans un petit nombre de départements
; dans presque tous les autres, elle est ou languissante ou nulle. Si nous ne
sortons pas de la route tracée, bientôt il n'y aura de lumières que sur
quelques points, et ailleurs ignorance et barbarie. Un système
d'instruction publique plus concentré a fixé les pensées du Gouvernement. Des
écoles primaires affectées à une ou plusieurs communes, si les circonstances
locales permettent cette association, offriront partout aux enfants des
citoyens, ces connaissances élémentaires sans lesquelles l'homme n'est guère
qu'un agent aveugle et dépendant de tout ce qui l'environne. Les
instituteurs y auront un traitement fixe fourni par les Communes, et un
traitement variable formé de rétributions convenues avec les parents qui
seront en état de les supporter. Quelques
fonctions utiles pourront être assignées à ces instituteurs , si elles
peuvent se concilier avec leur fonction première et nécessaire. Dans des écoles
secondaires, s'enseigneront les éléments des langues anciennes, de la géographie,
de l'histoire et du calcul. Ces écoles se
formeront ou par des entreprises particulières avouées de l'administration
publique, ou par le concours des communes. Elles seront
encouragées par des concessions d'édifices publics ; par des places
gratuites dans les écoles supérieures, et par des gratifications accordées
aux élèves qui se seront le plus distingués ; et enfin, par des
gratifications accordées à un nombre déterminé de professeurs qui auront
fourni le plus d'élèves aux écoles supérieures. Trente écoles,
sous le nom de Lycées , seront formées et entretenues aux dépens de la République,
dans les villes principales qui , par leur situation et les mœurs de leurs
habitants seront plus favorables à l'étude des lettres et des sciences. Là seront
enseignées les langues savantes, la géographie, l’histoire, la logique, la
physique, la géométrie, les mathématiques ; dans quelques-unes les
langues modernes dont l'usage sera indiqué par leur situation. Six mille élèves
de la patrie seront distribués dans ces trente établissements, entretenus et
instruits aux dépens de la République. Trois mille
seront des enfants de militaires ou de fonctionnaires, qui auront bien servi l'État. Trois mille
autres seront choisis dans les écoles secondaires, d'après des examens et des
concours déterminés, et dans un nombre proportionné à la population des départements
qui devront les fournir. Les élèves
des départements réunis seront appelés dans les lycées de l'intérieur, s'y
formeront à nos habitudes et à nos mœurs, s'y nourriront de nos maximes, et
reporteront dans leurs familles l'amour de nos institutions et de nos lois. D'autres élèves
y seront reçus, entretenus et instruits aux frais de leurs parents. Six millions
seront destinés chaque année à la formation et à l'entretien de ces établissements,
à l'entretien et à l'instruction des élèves de la patrie, au traitement des
professeurs, au traitement des directeurs et des agents comptables. Les écoles spéciales
formeront le dernier degré d'instruction publique : il en est qui sont déjà
constituées, et qui conserveront leur organisation ; d'autres seront établies
dans les lieux que les convenances indiqueront, et pour les professions
auxquelles elles seront nécessaires. Tel est, en raccourci, le système qui a paru au Gouvernement réunir le plus d'avantages, le plus de chances de succès, et que, dans cette session, il proposera au Corps législatif, réduit en projet de loi. Sa surveillance peut suffire à trente établissements; un plus grand nombre échapperait à ses soins et à ses regards : mais surtout un plus grand nombre ne trouverait aujourd'hui ni ces professeurs distingués qui font la réputation des écoles, ni des directeurs capables d'y maintenir une sévère discipline, ni des conseils assez éclairés pour en diriger l'administration. Trente lycées, sagement distribués sur le territoire de la République, en embrasseront toute l'étendue par leurs rapports, répandront sur toutes ses parties l'éclat de leurs lumières et de leurs succès , frapperont jusqu'aux regards de l'étranger, et seront pour eux ce qu'étaient naguère pour nous quelques écoles célèbres d'Allemagne et d'Angleterre, ce que furent quelques Universités fameuses qui, vues dans le lointain, commandaient l'admiration et le respect de l'Europe. Le Code civil fut annoncé l'année dernière aux délibérations du Corps législatif ; mais le travail s'accrut sous la main des rédacteurs : les tribunaux furent appelés à le perfectionner ; et enrichi de leurs observations, il est soumis dans le conseil d'état à une sévère discussion. Toutes les parties qui le composent, seront successivement présentées à la sanction des législateurs : ainsi , cet important ouvrage aura subi toutes les épreuves, et sera le résultat de toutes les lumières. Les ateliers se multiplient dans les maisons d'arrêt et de détention, et le travail en bannit l'oisiveté, qui corrompt encore ceux qui étaient déjà corrompus. Dans nombre de départements il n’y a plus de mendicité. Les hospices sortent peu à peu de cet état de détresse qui faisait la honte de la nation et la douleur du Gouvernement : déjà la bienfaisance particulière les enrichit de ses offrandes , et atteste le retour de ces sentiments fraternels que des lois imprudentes et de longs malheurs semblaient avoir bannis pour toujours. Sur toutes les grandes communications, les routes ont été ou seront bientôt réparées. Le produit de la taxe d'entretien éprouve partout des accroissements progressifs. Le plus intéressant de tous les canaux est creusé aux dépens du trésor public, d'autres seront bientôt créés par l'industrie particulière. Les lettres et les arts ont reçu tout ce que les circonstances ont permis de leur donner d'encouragement et de secours. Des projets ont été conçus pour l'embellissement de Paris, et déjà quelques-uns s'exécutent. Une association particulière formée par le zèle bien plus que par l'intérêt, lui construit des ponts qui ouvriront des communications utiles ou nécessaires. Une autre association lui donnera un canal et des eaux salubres qui manquent encore à cette capitale. Les départements ne seront point négligés. De tous côtés on recherche quels travaux sont nécessaires pour les orner ou les féconder. Des collections de tableaux sont destinées à former des muséum dans les villes principales ; leur vue inspirera aux jeunes citoyens le goût des arts , et ils arrêteront la curiosité des voyageurs. Au moment où la paix générale va rendre aux arts et au commerce toute leur activité, le devoir le plus cher au Gouvernement est d'éclairer leur route, d'encourager leurs travaux, d'écarter tout ce qui pourrait arrêter leur essor. Il appellera sur ces grands intérêts toutes les lumières ; il réclamera tous les conseils de l'expérience ; il fixera auprès de lui, pour les consulter, les hommes qui par des connaissances positives, par une probité sévère, par des vues désintéressées, seront dignes de sa confiance et de l'estime publique. Heureux si le génie national seconde son ardeur et son zèle ; si, par ses soins, la prospérité de la République égale un jour ses triomphes et sa gloire. Dans nos relations extérieures, le Gouvernement ne craindra point de dévoiler ses principes et ses maximes. Fidélité pour nos alliés, respect pour leur indépendance, franchise et loyauté avec nos ennemis : telle a été sa politique. La Batavie reprochait à son organisation de n'avoir pas été conçue pour elle. Mais depuis plusieurs années cette organisation régissait la Batavie. Le principe du Gouvernement est que rien n'est plus funeste au bonheur des peuples que l'instabilité de leurs institutions ; et quand le Directoire batave l'a pressenti sur des changements , il l'a constamment rappelé à ce principe. Mais enfin le peuple batave a voulu changer, et il a adopté une Constitution nouvelle. Le Gouvernement l'a reconnue cette Constitution ; et il a dû la reconnaître, parce qu'elle était dans la volonté d'un peuple indépendant. Vingt-cinq mille Français devaient rester en Batavie, aux termes du traité de la Haye, jusqu'à la paix générale. Les Bataves ont désiré que ces forces fussent réduites ; et en vertu d'une convention récente, elles ont été réduites à dix mille hommes. L'Helvétie a donné, pendant l'an IX, le spectacle d'un peuple déchiré par les partis, et chacun de ces partis invoquant le pouvoir et quelquefois les armes de la France. Nos troupes ont reçu l'ordre de rentrer sur notre territoire : quatre mille hommes seulement restent encore en Helvétie, d’après le vœu de toutes les autorités locales, qui ont réclamé leur présence. Souvent l'Helvétie a soumis au premier Consul des projets d'organisation ; souvent elle lui a demandé des conseils : toujours il l'a rappelée à son indépendance. «Souvenez-vous seulement , a-t-il dit quelquefois, du courage et des vertus de vos pères ; ayez une organisation simple comme leurs moeurs. « Songez a ces religions, à ces langues différentes qui ont leurs limites marquées , a ces vallées, à ces montagnes qui vous séparent , à tant de souvenirs attachés à ces bornes naturelles ; et qu'il reste de tout cela une empreinte dans votre organisation. Surtout, pour l'exemple des peuples de l'Europe, conservez la liberté et l'égalité à cette nation qui leur a, la première, appris à être indépendants et libres. » Ce n'étaient là que des conseils, et ils ont été froidement écoutés. L'Helvétie est restée sans pilote au milieu des orages. Le ministre de la République n'a montré qu'un conciliateur aux partis divisés, et le général de nos troupes a refusé aux factions l'appui de ses forces. La Cisalpine , la Ligurie, ont enfin arrêté leur organisation : l'une et l'autre craignent, dans les mouvements des premières nominations, le réveil des rivalités et des haines. Elles ont paru désirer que le premier Consul se chargeât de ces nominations. Il tâchera de concilier ce vœu de deux Républiques qui sont chères à la France, avec les fonctions plus sacrées que sa place lui impose. Lucques a expié dans les angoisses d'un régime provisoire, les erreurs qui lui méritèrent l'indignation du peuple français. Elle s’occupe aujourd'hui à se donner une organisation définitive. Le roi de Toscane, tranquille sur son trône, est reconnu par de grandes puissances et le sera bientôt par toutes. Quatre mille Français lui gardent Livourne, et attendent, pour l'évacuer , qu'il ait organisé une armée nationale. Le Piémont forme notre 27e division militaire, et, sous un régime plus doux, oublie les malheurs d'une longue anarchie. Le Saint-Père, souverain de Rome, possède ses états dans leur intégrité. Les places de Pesaro, de Fano, de Castel-San-Leone, qui avaient été occupées par les troupes cisalpines, lui ont été restituées. Quinze cents Français sont encore dans la citadelle d'Ancone pour en assurer les communications avec l'armée du Midi. Après la paix de Lunéville, la France pouvait tomber de tout son poids sur le royaume de Naples, punir le souverain d'avoir le premier rompu les traités, et le faire repentir des affronts que les Français avaient reçus dans le port même de Naples : mais le Gouvernement se crut vengé dès qu'il fut maître de l'être, il ne sentit plus que le désir et la nécessité de la paix ; pour la donner, il ne demanda que les ports d'Otrante, nécessaires a ses dessein sur l'Orient, depuis que Malte était occupée par les Anglais. Paul Ier avait aimé la France ; il voulait la paix de l'Europe ; il voulait surtout la liberté des mers ; sa grande âme fut émue des sentiments pacifiques que le premier Consul avait manifestés ; elle le fut depuis de nos succès et de nos victoires : de là, de premiers liens qui l'attachèrent à la République. Huit mille Russes avaient été faits prisonniers en combattant avec les alliés ; mais le ministère qui dirigeait alors l'Angleterre avait refusé de les échanger contre des prisonniers français. Le Gouvernement s'indigna de ce refus ; il résolut de rendre à leur patrie ces braves guerriers abandonnés de leurs alliés ; il les rendit d'une manière digne de la République, digne d'eux et de leur souverain : de là des nœuds plus étroits et un rapprochement plus intime. Tout-à-coup la Russie, le Danemarck, la Suède, la Prusse s'unissent ; une coalition est formée pour garantir la liberté des mers ; le Hanovre est occupé par les troupes prussiennes ; de grandes , de vastes opérations se préparent : mais Paul Ier meurt subitement. La Bavière s'est hâtée de reformer les liens qui l'unissaient à la France. Cet allié important pour nous a fait de grandes pertes sur la rive gauche du Rhin : l'intérêt et le désir de la France sont que la Bavière obtienne sur la rive droite une juste et entière indemnité. De grandes discussions se sont élevées à Ratisbonne sur l'exécution du traité de Lunéville ; mais ces discussions ne regardent pas immédiatement la République. La paix de Lunéville, conclue avec l'Empire et ratifiée par la diète, a fixé irrévocablement de ce côté-là tous les intérêts de la France. Si la République prend encore part aux discussions de Ratisbonne, ce n'est que comme garant des stipulations contenues dans l'article VII du traité de Lunéville et pour maintenir un juste équilibre dans la Germanie. La paix avec la Russie a été signée ; et rien ne troublera désormais les relations de deux grands peuples qui , avec tant de raisons de s'aimer, n'en ont aucune de se craindre, et que la nature a placés aux deux extrémités de l'Europe pour être le contre-poids du Nord et du Midi. La Porte, rendue à ses véritables intérêts et à son inclination pour la France, a retrouvé son allié le plus ancien et le plus fidèle. Avec les États-Unis d'Amérique toutes les difficultés ont été aplanies. Enfin des préliminaires de paix avec l'Angleterre ont été ratifiés. La paix avec l'Angleterre devait être le produit de longues négociations, soutenues d'un système de guerre qui, quoique lent dans ses préparatifs , était infaillible dans ses résultats. Déjà la plupart de ses alliés l'avaient abandonnée : le Hanovre, seule possession de son souverain sur le continent, était toujours au pouvoir de la Prusse ; la Porte, menacée par nos positions importantes sur l'Adriatique, avait entamé. une négociation particulière. Le Portugal lui restait. Soumis depuis si longtemps à l'influence et au commerce exclusif des Anglais, le Portugal n'était plus en effet qu'une province de la Grande-Bretagne. C'était là que l'Espagne devait trouver une compensation pour la restitution de l'île de la Trinité. Son armée s'avance ; une division des troupes de la République campe sur la frontière du Portugal pour appuyer ses opérations. Mais après les premières hostilités et quelques légères escarmouches, le ministère espagnol ratifie séparément le traité de Badajoz. Dès-lors on dut pressentir pour l'Espagne la perte de 1a Trinité ; dès-lors, en effet, l'Angleterre la regarda comme une possession qui lui était acquise, et désormais écarta de la négociation tout ce qui pouvait en supposer la restitution possible. Avant de ratifier le traité particulier de la France avec le Portugal, le Gouvernement fit connaître au cabinet de Madrid cette détermination de l'Angleterre. L'Angleterre s'est refusée avec la même inflexibilité à la restitution de Ceylan. Mais la République batave trouvera dans les nombreuses possessions qui lui sont rendues, le rétablissement de son commerce et de sa puissance. La France a soutenu les intérêts de ses alliés avec autant de force que les siens ; elle a été jusqu'à sacrifier des avantages plus grands qu'elle aurait pu obtenir pour elle-même : mais elle a été forcée de s'arrêter au point où toute négociation devenait impossible. Ses alliés épuisés ne lui offraient plus de ressources pour la continuation de la guerre ; et les objets dont la restitution leur était refusée par l’Angleterre, ne balançaient pas pour eux les chances d'une nouvelle campagne, et toutes les calamités dont elle pouvait les accabler. Ainsi, dans toutes les parties du monde, la République n'a plus que des amis ou des alliés ; et partout son commerce et son industrie rentrent dans leurs canaux accoutumés. Dans tout le cours de la négociation, le ministère actuel d'Angleterre a montré une volonté franche de mettre un terme aux malheurs de la guerre ; le peuple anglais a embrassé la paix avec enthousiasme; les haines de la rivalité sont éteinte ; il ne restera que l'émulation des grandes actions et des entreprises utiles. Le Gouvernement avait mis son ambition à replacer la France dans ses rapports naturels avec toutes les nations ; il mettra sa gloire à maintenir son ouvrage, et a perpétuer une paix qui fera son bonheur comme celui de l'humanité. Le premier Consul, signé BONAPARTE. Par le premier Consul : le secrétaire d'état, Signé HUGUES B. MARET. Le ministre de la justice, signé ABRIAL.
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