|
Emigration.
Dès les premières années de la Révolution,
il se produisit, parmi les classes naguère privilégiées,
un mouvement d’émigration considérable. Parmi les
individus qui s’expatrièrent alors, beaucoup le firent pour
ne pas se soumettre au régime nouveau ; plus tard, d’autres
se réfugièrent, plutôt qu’ils n’émigrèrent,
à l’étranger, pour fuir les dangers qui menaçaient
leur tête. Dans tous les cas, ce mouvement d’émigration
différait des émigrations dont nous venons de parler,
en ce sens que les émigrés de la révolution
ne quittaient point la France sans esprit de retour. Le signal de
l’émigration fut donné le 16 juillet 1789 par le comte
d’Artois, frère de Louis XVI, qui entraîna avec lui
plusieurs des principaux personnages de la cour. Dès l’année
suivante, l’ émigration prit des proportions si formidables,
qu’au bout de quelques mois la plus grande partie de la noblesse
valide se trouva réunie à l’étranger, où
elle commit la faute de se joindre aux ennemis de la patrie. La
conduite des émigrés ne tarda pas à éveiller
l’attention du gouvernement français. On les somma d’abord
de rentrer dans un délai de deux mois (9 juin 1791) ; mais
comme ils n’obéirent pas à cette sommation, leurs
biens furent frappés de séquestre (9 février
1792), puis confisqués et mis en vente au profit de la nation
(2 septembre 1791). Ils furent, en outre, bannis à perpétuité
et la peine de mort fut édictée contre tous ceux,
sans distinction d’âge ni de sexe, qui repasseraient la frontière
(23 octobre 1792). Enfin, la loi du 27 mars 1793 les déclara
morts civilement, attribua leurs biens actuels à l’Etat,
et déclara ce dernier apte à recueillir, pendant cinquante
ans, leurs successions échues ou à échoir.
Les gouvernements qui se succédèrent de 1794 à
1796 firent exécuter, et aggravèrent même les
mesures prises antérieurement contre les émigrés.
Peu à peu cependant les rigueurs diminuèrent, et dès
1798, ceux qui ne s’étaient pas trop compromis purent rentrer
sans crainte d’être poursuivis. Enfin, le 6 floréal
an X (26 avril 1802), un décret du premier consul amnistia
tous les prévenus d’ émigration, sauf un millier environ,
et leur rendit ceux de leurs biens qui n’avaient pas été
vendus, ou ne faisaient pas partie du domaine inaliénable
de l’Etat. La plupart des émigrés se hâtèrent
de rentrer ; néanmoins, quelques-uns persistèrent
à rester à l’étranger, et n’effectuèrent
leur retour qu’après les événements de 1814.
Le 5 décembre 1814, une loi restitua aux émigrés
tous ceux de leurs biens qui n’avaient pas été vendus
à des particuliers ; enfin, le 25 mars 1825, fut votée
la loi célèbre qui mit à la disposition du
gouvernement 30 millions de rentes, au capital d’un milliard, pour
indemniser les émigrés des pertes qu’ils avaient éprouvées
pendant la révolution. Cette loi mit le sceau à l’irrévocabilité
des ventes des biens nationaux, et, en même temps qu’elle
réparait des malheurs souvent immérités, elle
eut pour effet de rassurer les intérêts nouveaux nés
de la Révolution. |
|
|
|