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Dernière modification: 15/11/2002 La Contre-police royale. En
ce mois de floréal de l'an 8, Joseph Fouché, ministre de la police, réussit
un de ses coups de maître : le démantèlement d'un réseau royaliste aux
ramifications étendues. Nous suivrons ici les développements de cette affaire,
telle qu'elle est relatée dans la presse parisienne. Le
Publiciste, 14 floréal an VIII. (4 mai 1800) De
Paris, le 13 floréal. - On annonce que le ministre de la police a fait arrêter
une contre-police dont les agents étaient très actifs et très adroits
; qu'ils ont été trouvés saisis d'une grande quantité de fausses cartes de sûreté,
de faux passe-ports, de manuscrits et de libelles contre le gouvernement. On dit
avoir aussi découvert une correspondance très volumineuse. On promet pour
demain des détails nécessaires pour faire juger de la nature et de
l'importance de cette découverte. Le
Publiciste, 15 floréal an VIII. (5 mai 1800) De
Paris, le 14 floréal. - Les
conseillers d'Etat nommés par le premier consul pour examiner les pièces de la
contre-police, découverte à Paris,
sont les citoyens Emery, Brune, Dejean et Champagny. Voici
ce que dit le Journal des Hommes-Libres dit
de la nature et du dépouillement de ces pièces : "Instruction
pour les agents. -Liste de tous les fonctionnaires publics à surveiller. -
Compte-rendu de la conduite de chacun d'eux. - Chiffre très étendu avec
l'explication à la marge - registre de toutes les sommes qui ont été
distribuées aux fidèles serviteurs de sa majesté ; on porte en compte
jusqu'au drap mortuaire mis au temple de la Magdelaine, le 21 janvier dernier
(1er pluviôse) ; la plus grande partie de ces sommes est employée à solder
des écrivains. - Plus de cent mille livres viennent d'être comptées pour écrire
des libelles contre le premier consul. Ces libelles sont dans la main de la
police. "Toute
la correspondance prouve l'intention manifeste de renverser le gouvernement, de
donner le commandement des armées à Pichegru, qui remettra la France entre les
mains de son légitime souverain, de corrompre les commandants des ports pour
leur livrer les flottes. Une
chose embarrasse le comité de la coalition ; c'est la conduite de Bonaparte, et
ce qu'il a fait d'utile, d'extraordinaire,
depuis qu'il est à la tête du gouvernement ; pour en affaiblir
l'impression, il recommande à ses agents de calomnier le premier consul, de ne
pas épargner l'argent pour diviser les hommes qu'il appelle ses
dévoués, de soulever contre lui les soldats, d'agiter les républicains et
d'inquiéter les acquéreurs de domaines nationaux, en leur disant que Bonaparte
va annuller les ventes ; d'organiser des compagnies pour voler des diligences.
On se vante même d'être instruit, par quelqu'un de sûr, du départ des sommes
d'argent, moyennant une remise d'un cinquième ; de faire nommer dans l'agence
forestière des hommes qui puissent au besoin être eux-mêmes à la tête de
ces expéditions, etc, etc. Le
Publiciste, 16 floréal an VIII. (6 mai 1800) De
Paris, le 15 floréal. - Les individus arrêtés par suite de la découverte du comité
anglais, ont été conduits au Temple. Les
conseillers d'état nommés pour visiter les papiers de ce comité, ont commencé
leur travail. Il était fort bien informé ; mais il gagnait mal son argent.
Dans les papiers se trouvent beaucoup d'ordres de M. d'Artois. Peu ont pu être
exécutés. Aussi se plaint-on souvent, dans la correspondance, de ce diable
d'homme dont la conduite déconcerte toutes les menées. Toute cette
machination peut mériter le nom d'intrigue,
mais pas un nom plus relevé. Il n'y a pas un homme dans tout cela, à
commencer par celui qui ordonne, qui soit à la hauteur d'une conspiration. Ministère
de la Police Générale Rapport du
ministre de la police générale au premier consul. Citoyen
consul, depuis longtemps la police suivait le fil des intrigues du comité
anglais. Après beaucoup d'observations et de recherches, elle a reconnu
plusieurs individus pour être les agents de ce comité ; elle a cependant différé
de les faire arrêter, afin de pouvoir épier leurs démarches, et connaître
leurs liaisons. J'avais
acquis la certitude que des sommes considérables d'argent étaient distribuées
tous les trois mois pour solder des libelles contre le gouvernement et les
meilleurs citoyens ; c'est en faisant la recherche de ces libelles et de leurs
auteurs, et en saisissant plusieurs de ceux qui y travaillaient, que je suis
parvenu en remontant la chaîne des divers instruments de l'étranger, aux
premiers agents de l'Angleterre, à connaître la maison où ils tenaient leurs
séances et à saisir le dépôt de leurs papiers et leur correspondance. Cette
correspondance est maintenant sous les yeux des conseillers d'état, que vous
avez nommés pour en prendre connaissance. Calomnies, libelles, incendie des
ports, assassinat des premiers magistrats, rien ne répugne aux agents anglais ;
tels sont leurs projets, tels sont les moyens qu'ils croient propres à les
conduire à leur but. Signé, Fouché.
Emigrés : Ministère de la Police Générale. Le ministre de la police générale
de la république, aux préfets des départements. Paris, le 5 floréal, an 8. D'après les ordres que je
vous ai plusieurs fois transmis, citoyen préfet, je ne pense pas que nos frontières
pussent cesser d'être une barrière impénétrable pour les émigrés ;
cependant, j'ai la certitude que beaucoup d'entre eux se disposent à rentrer,
et que plusieurs ont déjà mis le pied sur le sol de la république ; par
devoir, autant que par humanité pour eux-mêmes, je dois les en repousser. Les hommes qui ont assassiné
la patrie doivent se souvenir qu'il n'est pas de pardon pour un pareil crime.
Qu'ils voient dans la constitution elle-même leur éternelle condamnation écrite
; qu'ils se persuadent bien que le gouvernement n'adoucira pas la rigueur des
lois qui les concernent ; et sil es émigrés se plaignent de l'infamie et du mépris
qui les poursuivent partout, qu'ils y reconnaissent et qu'ils y trouvent la
peine méritée de leur trahison. Faites-vous représenter,
citoyen préfet, les lois rendues sur les émigrés et les passeports, avec les
instructions que j'ai successivement adressées pour en faciliter l'exécution.
Soyez sévère pour épargner au gouvernement la peine de punir un délit, qu'il
est dans ses intentions de prévenir. Une justice inflexible envers
les émigrés peut seule consolider la république. Salut et fraternité. Signé, Fouchet. [*] [*] Il s'agit de Fouché, bien
entendu, mais son nom est écrit Fouchet dans le journal. |
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