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La plupart des anciennes espèces de chevaux existant en France
ont été détruites par les désordres
intérieurs et par les guerres qui ont marqué les dernières
années du dernier siècle. Quand vint l’Empire, la
production chevaline se trouvait réduite pour ainsi dire
aux animaux d’espèces inférieures. Napoléon
voulut régénérer nos races ; l’expédition
d’Egypte avait mis en ses mains un assez grand nombre d’étalons
orientaux ; il créa un système de haras qui eut pour
base de production le sang arabe. Ce sang, employé
comme agent d’amélioration, domina jusqu’en 1814 ; mais,
à cette époque, l’ouverture de nos ports, la reprise
de relations suivies avec la Grande-Bretagne, donnèrent entrée
en France aux étalons anglais. Ces producteurs nouveaux ne
tardèrent pas à obtenir chez les éleveurs du
Nord, de l’Ouest et de l’Est une préférence marquée
sur les étalons arabes. L’action de ces derniers s’est cependant
maintenue, surtout dans le Midi ; mais telle est aujourd'hui leur
infériorité numérique que l’on peut, sans craindre
de trop hasarder, diviser en deux époques bien distinctes
l’amélioration qui a tiré nos différentes espèces
chevalines de l’état d’abâtardissement où elles
étaient tombées à la suite des premières
guerres de la révolution : empire, sang arabe ;
restauration, sang anglais.
(...)
L’expérience a cependant
démontré que nos produits indigènes l’emportaient
en force et en durée sur ces rebuts de la cavalerie allemande
que les fournisseurs en titre de la guerre font chercher au-delà
du Rhin. Les preuves de cette supériorité ne manquent
pas. Ainsi, le petit nombre de chevaux qui, dans la campagne de
Russie, survécurent à toutes les chances de destruction
dont furent accablés, pendant la retraite, les animaux comme
les hommes, appartenaient tous aux espèces françaises,
et surtout à celles de la Normandie.
La campagne d’Espagne, en 1823, en est un autre exemple. A cette
époque, une grande quantité de chevaux de remonte
amenés d’Allemagne à Lunéville et à
Saint-Avold recrutèrent la cavalerie. Malgré le peu
de fatigue qu’ils eurent à supporter, presque tous périrent
en Espagne. D’autres remontes furent également faites alors
en Normandie, mais tellement à la hâte et avec si peu
de choix, que l’armée ne reçut absolument que le rebut
des foires et des marchés. Cependant ces chevaux, achetés
sans soins et sans discernement, résistèrent presque
tous au climat brûlant de la Péninsule. Cette différence
de durée s’explique par quelques qualités essentielles
qui manquent souvent aux chevaux étrangers et que l’on trouve
au plus haut degré dans les chevaux d’espèce française.
Ces qualités consistent dans la facilité avec laquelle
l’estomac de nos chevaux, des chevaux normands et bretons surtout,
s’habitue à toutes les nourritures, et dans l’aptitude singulière
de leur tempérament à se faire à tous les changements
de température et de climat. Les étrangers sont meilleurs
appréciateurs que nous du mérite de nos espèces
indigènes. Ainsi, depuis de longues années, tandis
que nos propriétaires font venir à grands frais des
pays étrangers certaines espèces de producteurs, les
éleveurs de ces mêmes contrées viennent acheter
en France, mais en Normandie surtout, des éléments
de production dont ils nous revendent ensuite la descendance aux
prix les plus élevés. (...)
(Achille de Vaulabelle.)
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