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J.B.
de la Salle, prêtre, etc.
LES REGLES DE LA BIENSEANCE
ET DE LA CIVILITE CHRETIENNE
A
L’USAGE DES ECOLES CHRETIENNES DE GARCONS.
A
Rouen
MDCCXCVII (1797)
(Extraits)
...présenté
aujourd’hui avec quelques changements que les usages du monde ont
rendu nécessaire.
Première
partie
De la modestie qu'on doit faire paraître dans le port et le maintien
du corps.
Chapitre
II. De la Tête et des Oreilles.
On
doit se nettoyer les oreilles avec soin ; mais il faut éviter de
le faire en compagnie. Les ordures qu'on y laisse amasser par négligence,
obligent d'y porter fréquemment la main, et les enfants, sans plus
de réflexion, se servent de leurs doigts et de leurs ongles pour
les vider ; habitude malpropre et dangereuse ; quand on sent des
démangeaisons considérables, il faut se servir d'un cure oreille,
et non d'épingles ou autres instruments ; si dans une compagnie
on sent quelque incommodité à cette partie, il faut se retirer et
y remédier sans être vu. (...)
Les hommes ne doivent se percer les oreilles que dans les cas de
nécessité : cet usage, autorisé dans les femmes, qui aiment en tout
l’ornement et la bagatelle, est ridicule dans un homme qui doit,
dans ses manières et ses ajustements, s’éloigner de leur sexe.
L’usage ne permettant plus aux hommes de se couvrir entièrement
les oreilles avec leurs cheveux, il ne faut pas pour cela leur donner
des ornements de vanité, et un chrétien doit surtout observer que
cet organe ne lui a été accordé par Dieu que pour faire passer d’abord
dans son cœur les paroles de la vie éternelle, ensuite pour lui
apprendre tout ce qui est essentiel à la vie sociale, à sa propre
instruction et à l’édification de ses frères.
Chapitre
III. Des Cheveux.
Il
n’y a personne qui ne se doive faire une règle indispensable de
se peigner chaque jour les cheveux ; cette propreté est utile à
la santé ; elle empêche que la vermine et mille autres ordures semblables
ne gâtent la tête et ne les fassent tomber ; il faut les nourrir
avec de la poudre et de la pommade, mais ne pas trop les en charger
ni laisser longtemps cette poudre ou cette pommade, parce qu’alors
elles nuiraient plus qu’elles ne seraient utiles ; c’est donner
dans le ridicule que de se blanchir les cheveux par une quantité
prodigieuse de poudre, et de les rendre gras en y appliquant trop
de pommade ; il faut moins consulter la mode que l’utilité, et n’oublier
jamais que des soins trop affectés de la chevelure rendent les hommes
effeminés, et sont contraires à la modestie chrétienne. (…)
On ne doit point laisser les cheveux voltiger au gré du vent,
lorsqu'ils sont longs, les plier derrière les oreilles, encore moins
les porter gras, hérissés ou rabattus sur le front.
Chap.
VII Du Nez.
Tout
mouvement volontaire du nez, soit avec la main, soit autrement,
est indécent et puéril : porter les doigts dans les narines es une
malpropreté qui révolte, et en y touchant trop souvent, il arrive
qu'il s'y forme des incommodités dont on se ressent longtemps, les
enfants sont assez dans l'usage de tomber dans ce défaut ; les parents
doivent les en corriger avec soin.
Il faut observer en se mouchant, toutes les règles de la bienséance
et de le propreté.
Plusieurs gesticulent avec le mouchoir, le tiennent perpétuellement
dans les mains, et le laissent souvent tomber à terre ; on
ne saurait excuser ces négligences. D'autres le posent sur une table,
sur une chaise ou autre meuble, ce qui est encore très malpropre
; on doit le tenir toujours enfermé dans sa poche, et ne le retirer
qu'au besoin.
Quelques uns ne font aucune difficulté de se servir des mouchoirs
des uns et des autres ; rien n'est plus impoli, surtout lorsqu'on
s'en sert étant sale.
Il faut éviter avec soin de faire trop de bruit en se mouchant,
et même en éternuant, et ne faire ni l'un ni l'autre au visage de
qui que ce soit.
L'usage veut qu'on salue la personne qui éternue, et que celle-ci
remercie ; il faut faire l'un et l'autre par une médiocre inclination,
sans se découvrir, surtout si l'on est à table : il est inutile
de parler ni de faire des compliments ; c'est une méthode du dernier
ridicule.
Chapitre
VIII. De la Bouche, des Lèvres, des dents et de la langue.
(...)
Il est important de les nettoyer souvent, surtout après le repas,
avec un bout de plume, et non avec une épingle ou la pointe d’un
couteau, et de les frotter ensuite avec un linge un peu humecté
; mais il faut observer de ne le point faire à table.
Chapitre
XI. Du dos, des épaules, des bras et du coude.
(...)
C’est un défaut de croiser les bras sur la poitrine, de les entrelacer
derrière le dos, de les laisser pendre avec nonchalance, de les
balancer en marchant, sous prétexte de soulagement ; l’usage veut
que si l’on se promène avec une canne à la main, le bras qui est
sans appui soit posé légèrement contre le corps, et qu’il reçoive
un mouvement presque imperceptible, sans cependant le laisser tomber
de côté ; si l’on n’a point de canne, ni manchon, ni gants, il est
assez ordinaire de poser le bras droit sur la poitrine ou sur l’estomac,
en mettant la main dans l’ouverture de la veste, à cet endroit,
et de laisser tomber la gauche en pliant le coude, pour faciliter
la position de la main, sous la basque de la veste. En général,
il faut tenir les bras dans une situation qui soit honnête et décente.
Chapitre
XII. Des mains, des doigts et des ongles.
(...)
On ne doit se donner la main l’un à l’autre que quand on est d’égale
condition ou uni par une étroite amitié ; ce geste est un signe
commun de paix, de familiarité et de bienveillance ; ce serait donc
une hardiesse impardonnable de toucher la main d’une personne respectable
par sa naissance ou sa dignité, en l’abordant ou en lui parlant
; si elle-même présente la main, il faut la recevoir comme un témoignage
d’estime, et ne point se prévaloir de cette condescendance pour
se livrer à une indiscrète familiarité ; on doit observer de ne
présenter jamais la gauche.
Lorsqu’on présente la main à quelqu’un en signe d’amitié, il faut
la découvrir et la tenir nue : il n’est permis de conserver les
gants que quand on donne la main à une dame, ou lorsqu’on aide une
personne à se retirer d’un mauvais pas.
Chapitre
XIII. Des parties du corps qu’on doit cacher, et des nécessités
naturelles.
Il
est de la bienséance et de la pudeur de couvrir toutes les parties
du corps, hors la tête et les mains ; ainsi il est indécent d’avoir
la poitrine découverte et les bras nus, les jambes sans bas et les
pieds sans souliers : il est de même contre la loi de Dieu de découvrir
quelques parties de son corps que la pudeur, aussi bien que la nature,
obligent de tenir toujours cachées.
Comme nous devons considérer nos corps que comme des temples vivants
où Dieu veut être adoré en esprit et en vérité, et des tabernacles
que Jésus Christ s’est choisi pour sa demeure, nous devons aussi,
dans la vue de ces belles qualités qu’ils possèdent, leur porter
beaucoup de respect ; et c’est cette considération qui nous doit
particulièrement engager à ne les pas toucher, et à ne les pas même
regarder sans une nécessité indispensable. (...) Lorsqu’on est couché,
il faut tâcher de tenir une posture si décente et si modeste, que
ceux qui approchent du lit ne puissent pas voir la forme du corps
: il faut aussi avoir soin de ne pas se découvrir de telle manière
qu’on fasse voir aucune partie de son corps nu.
Pour les besoins naturels, il est de la bienséance (aux enfants
même) de n’y satisfaire que dans les lieux où on ne soit point aperçu.
Il n’est jamais séant de parler des parties du corps qui doivent
toujours être cachées, ni de certaines nécessités du corps auxquelles
la nature nous a assujettis, ni même de les nommer ; et si quelquefois
on ne peut pas s’en dispenser à l’égard d’un malaise ou d’une personne
incommodée, on doit le faire d’une manière si honnête que les termes
dont on se servira ne puissent en rien choquer la bienséance.
Chapitre
XIV. Des genoux, des jambes et des pieds.
(...)
Ceux en qui la transpiration est si forte qu’elle fait exhaler de
leurs pieds quelques odeurs, doivent mettre des chaussons de toile
et en changer souvent, ou du moins se laver les pieds avant que
de paraître en compagnie. (...)
Deuxième
partie
Chapitre II. De la manière de s’habiller et de se déshabiller.
Le
plus sensible effet du péché dans Adam immédiatement après l’avoir
commis, fut la honte que fit naître en lui la vue de sa nudité ;
il sentit aussitôt quelle était la nécessité d’un vêtement et Dieu
lui en procura, pour lui rappeler la sainteté de l’état dont il
était déchu. (...) Héritiers de son crime nous sommes astreints
aux mêmes besoins : nos habits, en touchant nos corps, nous apprennent
que le péché y a empreint sa difformité, et que nous ne rougirions
pas si nous étions innocents ; nous devons donc couvrir avec exactitude
ce qui peut faire naître la honte et la confusion. (...)
Quelque
gênante que puisse être la chaleur de l’été, il est incivil de paraître
devant qui que ce soit les jambes nues, la poitrine, l’estomac et
le col découverts.
Le
chapeau doit être conforme à la mode, ainsi que le reste des habillements
; il faut donc la suivre aussi en ce point. La manière de le mettre
sur la tête n’est pas une de ces choses indifférentes que l’on peut
suivre ou omettre ; rien n’est si ridicule que de le poser sur l’oreille,
ou la pointe ne haut, ou trop bas sur les yeux ; mais il faut le
placer droit sur la tête, la pointe au milieu du front.
Il
faut en saluant, ôter le chapeau, autant qu’il est possible, de
la main droite, le descendre vers le côté et le dedans tourné contre
la cuisse, sans cependant la toucher, et si l’on doit rester découvert,
le placer toujours sous le bras gauche ; rien ne caractérise mieux
un homme poli que la manière de saluer. (p. 38)
Lorsqu’étant
assis, on est obligé de se tenir découvert, il ne faut pas mettre
son chapeau sous le bras, mis le poser sur ses genoux ou dans quelqu’endroit
destiné à cet usage.
Il
ne faut pas attendre qu’on soit arrivé tout proche de la personne
pour ôter son chapeau en la saluant, mais le faire à cinq ou six
pas ; à table ou en lieu de visiste il faut être toujours découvert
; on ne saurait indiquer toutes les circonstances particulières
dans lesquelles on doit se découvrir ; mais en général on doit le
faire lorsqu’on rencontre quelqu’un que l’on connaît : la plus intime
amitié ne dispense pas deux amis de ce devoir, lorsqu’ils se trouvent
en public ; on ne doit jamais être couvert en personne de personnes
distinguées par leur rang ou leur naissance. (...)
C’est une négligence impardonnable de porter des bas percés ou déchirés,
de les laisser tomber sur les talons, d’avoir aux pieds des souliers
mal propres et mal faits, de s’en servir en forme de pantoufles,
ou de les chausser sans boucles.
Comme il est d’usage de tenir le haut de la veste quelquefois un
peu ouvert, il faut attacher une petite épingle à la chemise, afin
qu’ellle ne s’ouvre pas, et ne découvre pas la poitrine ; il est
indécent de sortir de la maison sans un col, cravate, ou mouchoir.
Chapitre
IX. Des visites.
(...)
C’est une grossiéreté impardonnable d’entrer le chapeau sur la tête
dans quelque maison que ce soit, et lorsqu’on entre dans les appartements
des grands, même pendant leur absence, le respect qu’on doit avoir
pour tout ce qui leur appartient, exige que l’on soit et que l’on
reste découvert jusqu’à ce que l’on sorte. (...)
On salue de différentes manières. Premièrement, en se découvrant
de la main droite, ainsi qu’on l’a dit en parlant du chapeau : il
faut fixer modestement la personne, et après avoir avancé quelques
pas, s’incliner : il faut éviter de tirer le pied en se courbant
: cette méthode est grossière : on doit, lorsqu’on plie le corps,
avoir ordinairement une situation fixe, le pied droit un peu en
avant, et le gauche un peu en arrière, mais près du droit ; si l’on
passe à côté de la personne qu’on salue, il faut glisser le pied
en avant, sans bruit, du côté de la personne qu’on salue. (...)
Secondement, on salue en embrassant la personne à qui l’on rend
visite ; ceci n’a lieu que parmi des égaux ; car il ne convient
pas à un inférieur de donner le baiser à un supérieur : on doit
observer dans les embrassements l’usage honnête des personnes polies.
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