C'est le 9 vendémiaire an 4 (1er octobre 1795) que la
réunion de la Belgique et du pays de Liège à la France a été votée
par la Convention.
Les débats qui ont eu lieu les jours précédents, particulièrement
le 8 vendémiaire, sont particulièrement intéressants concernant
la façon dont ce pays (ou ce "non-pays" pour certains)
était perçu par les contemporains.
En attendant la publication de ces débats, voici déjà quelques
phrases extraites du compte-rendu du Moniteur Universel :
Le député Merlin (de Douai), après avoir présenté un résumé des
faits depuis le décret du 15 décembre 1792, qui convoquait des assemblées
primaires du peuple de la Belgique et du pays de Liège "pour
créer et organiser une administration provisoire", présente
le débat sous forme de trois questions :
"1° Quel est le parti que nous commande la justice envers
les Liégeois et les Belges ?
"2° Que veulent, à cet égard, les intérêts de la république
française ?
"3° Est-il prudent, est-il politique, dans les circonstances
actuelles, de prononcer définitivement ?
Et Merlin conclut son long rapport en disant :
"Représentants du peuple, votre comité de salut public
vous a dit sa pensée tout entière ; il est convaincu que la justice,
la politique, l'accélération de la paix, et surtout la restauration
de nos finances exigent la réunion de la Belgique et du pays de
Liége au territoire de la république française ; maintenant c'est
à vous à prononcer."
Le député Armand (de la Meuse) s'oppose au projet de réunion en
disant :
"Il n'existe entre ces deux peuples et nous aucune conformité
de moeurs et de religion. (...) Vous atteindrez ce but
(l'humiliation de l'Autriche) en assurant à la Belgique son
indépendance. Qu'il soit libre aux Belges de former un gouvernement
cimenté sur leurs moeurs et sur leur religion. Votre modération,
dans la victoire, vous conciliera tous les esprits ; des prétentions
exagérées susciteront une foule d'ennemis."
Eschassériaux aîné pose la question sous la forme suivante :
"Est-il de l'intérêt de la nation française de se réunir
à la Belgique à son territoire ? est-il de l'intérêt du peuple belge
de s'incorporer à la France ? La prospérité et la sûreté réciproque
des deux nations ne leur prescrivent-elle pas cette réunion ? Toutes
les deux n'ont-elles pas le droit incontestable de se réunir ; voilà
à quoi se réduit cette question, la plus importante que le diplomatie
ait encore agitée dans cette assemblée."
Et il conclut son exposé par l'affirmative.
Le député Lesage (d'Eure-et-Loir) tente de s'opposer à l'opinion
qui prévaut déjà :
"Les Belges furent heureux sous leur ancienne constitution
; pourquoi voulez-vous qu'ils prennent la nôtre, que vous n'avez
pas encore essayée, dont ils repoussent d'ailleurs les accessoires
?"
Le député Portiez (de l'Oise), dit :
"Si vous abandonnez ces peuples à eux-mêmes, je déclare
que la guerre civile éclatera bientôt ; je dis la guerre civile,
et je le prouve. Les habitants des pays conquis diffèrent entre
eux de moeurs, d'habitudes, d'idiomes, d'opinions politiques et
religieuses. Le pays connu sous le nom de Belgique était composé
de plusieurs provinces qui chacune avait un esprit particulier.(...)"
On remarquera, par rapport à cette dernière opinion, que c'était
également le cas de la France, et que la guerre civile consumait
alors les départements de l'ouest...