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C'est
au passage de l'Adige, le 18 octobre 1805, que les voltigeurs combattirent
en ligne pour la première fois. Le son de leurs cornets fit
croire aux Autrichiens qu'ils étaient attaqués par
de la cavalerie.
Les jours suivants, les voltigeurs furent sans cesse à l'avant-garde
en déployant une activité hors du commun, et ils décidèrent
du succès de la campagne.
Dans
une lettre du 30 frimaire an XII (xx), Napoléon exposa ses
vues quant à l'armement de la nouvelle compagnie de voltigeurs :
« Elle sera armée de fusils plus légers
que ceux des dragons, et sera exercée au tir. Les officiers
et sous-officiers seront armés de carabines rayées. »
L'étude
d'un modèle de fusil plus léger et sa mise en fabrication
auront posé trop de problèmes, aussi lit-on dans le
texte de l'arrêté du 22 ventôse an XII :
« Art. 6. Les voltigeurs seront armés d'un
sabre d'infanterie et d'un fusil très léger, modèle
de dragon. Les officiers et sous-officiers auront, au lieu de fusil,
une carabine rayée. »
Le
fusil de dragon, modèle de l'an IX, n'était pas vraiment
un fusil très léger. A part la garniture, il ne différait
du fusil d'infanterie modèle de 1777 corrigé que parce
que son canon avait 4 pouces (10,8 cm) de moins, ce qui ne faisait
pas une différence de poids très conséquente
(quelques onces de moins, notait le Mémorial de l'Officier
d’Infanterie en commentant le texte de l'arrêté).
Quant à la garniture, elle ne différait que peu de
celle du fusil d'infanterie : l'embouchoir, la capucine, le porte-vis
et le pontet de la sous-garde étaient de même forme
qu'à la dite arme, mais en cuivre au lieu d'être en
fer. Seule la grenadière, composée de deux anneaux
joints par une bande, était particulière au fusil
de dragon.
« Cette différence venait de la supposition
que les voltigeurs monteraient souvent en croupe derrière
des cavaliers avec le fusil à la grenadière et que
le canon et le bois en seraient moins endommagés par les
secousses de ce double anneau que par une grenadière étroite.
Les voltigeurs n'ayant marché qu'à pied, ces combinaisons
ont tombé à faux. » (Bardin, Dictionnaire
de l'Armée de Terre, p. 2660).
C'est aussi pour des raisons de solidité que la grenadière
était en fer. Mais pourquoi les autres pièces étaient-elles
en cuivre? Aucune utilité ne justifiait ces dissemblances,
que le comité de l'artillerie avait établies pour
des motifs futiles et oubliés, répond le général
Bardin (Dict., p. 2440).
Quant
à l'armement des officiers et des sous-officiers, il devait
comprendre des carabines rayées. L'Instruction sur les armes
à feu parue dans le Journal Militaire en juin 1806
renseigne que « l'on a
fabriqué cette sorte d'armes à la manufacture de Versailles,
et l'on vient d'en arrêter les proportions et les dimensions ».
Cette
nouvelle carabine était en fait une reprise de la carabine
d'infanterie du modèle 1793, créée et fabriquée
à la manufacture de Versailles sous la direction de Nicolas
Boutet. Pour des raisons de solidité et de facilité
de réparation, la platine du mousqueton modèle an
IX avait été substituée à celle précédemment
en usage. La carabine avait un canon de 24 pouces de long, à
six pans sur toute la longueur. La longueur totale de l'arme était
1 m 025, et son poids de 1 kg 632. D'après J. Margerand (Armement
et équipement de l'armée française, p.
109), la Manufacture de Versailles n'aurait fabriqué que
1.010 carabines en 1806-1807, 8 seulement en 1808, 69 en 1809 et
1.010 en 1811-1812, soit un total de 2.097 armes.
En comptant 8 carabines par compagnie (3 officiers, 1 sergent-major
et 4 sergents), et en considérant qu'il y avait au bas mot
380 compagnies de voltigeurs en 1807 et que leur nombre n'a fait
que croître sous l'Empire, il apparaît que les officiers
et sous-officiers de voltigeurs n'ont que très peu été
équipés de cette arme. C'est ce que confirme le général
Bardin qui, après avoir énuméré les
inconvénients de la carabine (lenteur et difficulté
du chargement, munitions spéciales, calibre différent
d'une arme à l'autre, encrassement rapide, etc ... ) ajoute
:
« Par une détermination restée, pour
ainsi dire, sans résultats, Bonaparte voulut en vertu des
décrets de l'an douze et de l'an treize que les officiers,
sergents et fourriers des voltigeurs reçussent des carabines
sans baïonnettes, tant l'expérience même est impuissante
contre les retours à de faux systèmes. »
(Dict., p. 1023).
Margerand cite un ordre du jour du Maréchal Soult en date
du 18 mai 1807 prescrivant de retirer aux sous-officiers de voltigeurs
du 4e corps d'armée toutes les carabines sans baïonnettes
et de les remplacer par des fusils. Cet ordre est muet quant aux
officiers ; est-ce parce qu'ils avaient déjà
abandonné la carabine ?
L'hypothèse semble la plus plausible, mais il est impossible
d'être tout-à-fait affirmatif. Certains officiers,
et pas seulement ceux des voltigeurs, ont repris la carabine lorsque
la nécessité s'en est fait sentir, notamment en Espagne.
Cardron, sous-lieutenant dans une compagnie de chasseurs du 9e léger,
écrit dans une lettre en date du 21 octobre 1810 :
« N'ayez aucune inquiétude sur mon sort, je
suis bien portant, ne manquant de rien et armé jusqu'aux
dents, c'est-à-dire d'un grand sabre, de deux pistolets et
d'une carabine. Ce sont les armes de tous les officiers qui font
la guerre à ces brigands, elles nous sont nécessaires
ne pouvant les joindre que dispersés et obligés de
les abattre partiellement car ils ne se réunissent jamais. »
(Général Couvreur, Souvenirs d'un officier de Napoléon,
d'après les lettres inédites du capitaine Cardron
de Philippeville, 1804-1815, p. 23).
Le
manuscrit du règlement de 1812 prévoyait une giberne
spécifique pour les officiers de voltigeurs, plus petite
encore que celle des sergents, et dont le bois n'était percé
que de seize trous à cartouches. Les illustrations de ce
projet de règlement par Carle Vernet représentent
un officier de voltigeurs du 9e de ligne armé d'un mousqueton.
Mais il ne s'agit là évidemment que de projets, et
il paraît évident que le règlement n'a jamais
été appliqué d'une façon générale.
D'ailleurs le manuscrit de Sauerweid, fait à Dresde en 1813,
montre les officiers de voltigeurs sans carabine. Il faut toutefois
noter que des fouilles menées sur le terrain de la bataille
de Waterloo ont permis de retrouver les projectiles si caractéristiques
de la carabine de Versailles, mais en nombre très limité.
L'arrêté de création des voltigeurs leur avait
accordé le sabre d'infanterie, dit "briquet".
Le décret impérial du 7 octobre 1807 le leur retira,
ainsi qu'aux chasseurs d'infanterie légère. Seuls
devaient le garder les sergents et les caporaux. Mais on sait que
la mesure ne s'exécuta pas sans réticences. Il aura
fallu attendre 1813 et la création d'une nouvelle armée
après le désastre de Russie pour que le décret
reçût - presqu'entièrement - son application.
Après la chute de l'Empire, les voltigeurs allaient retrouver
cette arme à laquelle ils tenaient tant, puisque le 16 janvier
1815, le roi Louis XVIII ordonnait :
« Art. 1er. Les compagnies de voltigeurs de l'infanterie
de ligne et de l'infanterie légère seront armées
d'un sabre-briquet, conformément aux décrets des 22
ventôse an XII et 1er complémentaire an XIII, relatifs
à la formation de ces compagnies.
2. En conséquence, le décret du 7 octobre 1807 est
rapporté, en ce qui concerne les dispositions contraires
à celles de l'article 1er de la présente ordonnance.
3. Il ne sera plus délivré de sabres aux sous-officiers
et soldats des troupes de toutes armes, qui quittent leurs corps
par congé absolu, par retraite, ou pour passer dans les vétérans. »
Une gravure de la suite de Genty, réalisée pendant
les Cent-Jours, montre un voltigeur d'infanterie de ligne. Les gravures
de Genty sont d'une très bonne qualité d'observation
et sont généralement fiables. Le voltigeur représenté
porte le sabre-briquet, mais a le fourreau de baïonnette fixé
au porte-giberne. On peut donc supposer que lorsqu'ils reçurent
les sabres-briquets pour leurs voltigeurs, les corps ne firent pas
retirer le fourreau de baïonnette du porte-giberne pour le
fixer au baudrier, à côté du sabre-briquet,
comme cela se pratiquait généralement à l'époque
et comme le portaient les sous-officiers. L'instruction provisoire
du 1er avril 1791 avait prévu que le porte-baïonnette
des sous-officiers et grenadiers serait attaché sur le bord
de la partie antérieure de la banderole de la giberne, comme
à celle des fusiliers. La raison en était simple:
lorsqu'il fallait mettre la baïonnette au canon, les sous-officiers,
caporaux et grenadiers la prenaient à gauche, et les fusiliers
à droite. Quand un régiment manœuvrait en ligne, le
mouvement devait manquer d'ensemble et de netteté !
Malgré cela, ce point de l'instruction de 1791 ne fut pratiquement
jamais observé sous l'Empire. Le tarif général
des effets à la charge des masses d'habillement et de linge
et chaussure, et ses fonds de première mise du 2 août
1812, et paru dans le Journal Militaire à la date du 17 septembre
1812, précise que le porte-giberne de sous-officier est sans
porte-baïonnette, alors que le même effet pour grenadiers,
voltigeurs et soldats est avec porte-baïonnette. Un nouveau
tarif, paru en février 1815 au "Journal Militaire Officiel"
reprenait les mêmes dispositions. Mais il ne semble pas que
les grenadiers aient jamais suivi les règlements sur ce point,
du moins si l'on s'en réfère à l'iconographie.
En ce qui concerne les voltigeurs, il a fallu leur retirer le briquet,
et le leur rendre plus tard pour qu'ils appliquent le règlement ;
quant aux caporaux et aux sergents, il y a tout lieu de croire qu'ils
continuèrent à porter le porte-baïonnette fixé
à côté du fourreau du sabre, suivant ainsi la
disposition réglementaire.
On
a vu que les officiers de voltigeurs auraient du être armés
de la carabine ; en outre ils étaient, ainsi que les
officiers de grenadiers, armés d'un sabre à lame légèrement
courbe, d'une longueur moyenne de 75 centimètres, bleuie
et gravée au tiers ; monture en bronze doré ou
argenté (selon la couleur du bouton), fourreau en cuir noir
avec garnitures dorées ou argentées. Ces armes blanches
d'officier étaient fournies par l'industrie privée
et présentent une grande variété de détails.
L'arrêté
du 22 ventôse an XII portait en son article 3 que chaque compagnie
de voltigeurs disposerait de deux instruments militaires qui seraient,
au lieu de tambours, de petits cors de chasse appelés cornets.
En l'absence d'autre prescription réglementaire, les cornets
durent présenter des différences d'un régiment
à l'autre quant à leur dimension. Le projet de règlement
rédigé en 1812 contient, en sa partie non publiée,
la description du cornet et celle-ci peut-être considérée
comme étant le portrait-type de cet instrument. Le cornet,
d'après ce document, était de cuivre laminé
et formait un cercle composé de quatre tours et demi, ayant
170 millimètres de diamètre mesuré en dehors
et cent millimètres de diamètre mesuré en dedans.
Le tube du cornet devait aller en diminuant depuis le pavillon jusqu'à
l'embouchure, la largeur de l'ouverture du pavillon étant
de 140 millimètres. L'embouchure de cornet devait avoir un
bassin d'embouchure de trompette. Les voltigeurs ayant été
destinés à faire le service de l'infanterie légère,
il était presque inconcevable de les doter de tambours: « malgré
tous les avantages que le tambour a sur le cor, il est vrai que
la difficulté de porter une caisse dans les bois ou sur les
rochers, l'a fait abandonner par l'infanterie légère
de presque toutes les nations, pour y substituer le cor »
écrivait le général Marbot (Remarques critiques
sur l'ouvrage du général Rogniat, p. 87).
Mais le même auteur exposait les inconvénients du cornet :
les voltigeurs et la cavalerie ont éprouvé mille fois
dans les combats, le désagrément qu'il y a de ne pouvoir
faire les signaux qu'avec des instruments dont la fusillade, les
cris, le vent ou l'éloignement même médiocre,
empêchent l'effet. Par exemple, lorsqu'un tiraillement un
peu vif est engagé dans un pays couvert ou par un très
mauvais temps, il est impossible de diriger les tirailleurs avec
le cor ou la trompette qu'ils n'entendent pas du tout, ou dont ils
n'entendent que les sons confus ; de sorte qu'ils prennent
quelquefois la charge pour le ralliement, ou l'ordre de retraite
pour la charge ; aussi lorsqu'on veut rappeler les tirailleurs
engagés, est-on très souvent forcé d'envoyer
des officiers et sous-officiers les chercher l'un après l'autre,
encore s'en égare-t-il presque toujours quelques-uns ;
ce qui n'arriverait pas si l'on avait des tambours.
Puisque les voltigeurs et la cavalerie ne peuvent en porter, il
faut bien se conformer à la nécessité et leur
donner des instruments à vent.
Le cornet ne jouait qu'en mi bémol, et de ce fait, était
trop bas et manquait d'éclat. Aussi une ordonnance du 22
mai 1822 remplaça-t-elle le cornet par le clairon, en imitation
des bugles des troupes légères britanniques et hanovrienne
. Sans essais publics, sans l'assentiment de professeurs ou du conservatoire,
le ministre s'en est rapporté à des fabricants d'instruments
dit le général Bardin
(Dictionnaire., p. 1309). H. Feist, dans La Giberne (5e année,
p. 56) a donné une autre raison de la suppression du cornet:
L'expérience ayant démontré l'effet nuisible
du cornet sur la santé des hommes qui s'en servaient, une
ordonnance du 22 mai 1822 supprima cet instrument et la remplaça
par le clairon, dont l'usage a été généralisé
plus tard dans tous les corps d'infanterie. Le cornet pesait 400
grammes et se portait au moyen d'un cordon de laine de six millimètres
de diamètre, ayant un gland à chacune de ses extrémités ;
la longueur totale du cordon, qui entourait spiralement en la masquant
une partie du cercle du cornet, était de sept mètres;
il se portait de l'épaule gauche à la hanche droite.
L'arrêté
du 22 ventôse an XII et le décret du 2 complémentaire
an XIII assignaient à la compagnie de voltigeur la troisième
place dans l'ordre des compagnies du bataillon, en comptant celle
des
carabinier ou des grenadiers. Cette numérotation leur assignait
également la troisième place dans l'ordre de bataille.
Il serait impossible de dire pourquoi cette place leur était
donnée plutôt
qu'une autre ; le choix en était bizarre dit le général
Bardin (Dict., p. 1473). Aussi le décret du 18 février
1808 sur la composition des régiments d'infanterie modifiait-il
cette disposition, et décidait que la compagnie de grenadiers
tiendrait dorénavant toujours la droite du bataillon tandis
que celle des voltigeurs tiendrait la gauche. Les deux compagnies
d'élite du bataillon devenaient ainsi
véritablement des compagnies de flanc. Les voltigeurs (qu'ils
fussent de l'infanterie de ligne ou de l'infanterie légère)
ont été la véritable infanterie légère
de l'armée française. C'était d'ailleurs
l'intention avouée qui a présidé à leur
création.
« Dans les campagnes où les voltigeurs ont
figuré, ces compagnies ont chicané l'ennemi, engagé
le combat, gravi les monts, traversé les fleuves, agi, soit
comme éclaireurs, soit comme flanqueurs ; on
les a même vus combattre ou faire ferme comme réserve
quand la circonstance le voulait. En mille occasions tel capitaine
de voltigeurs, livré à ses seules inspirations, est
devenu comme un général de partisans. »
(Bardin, Dict., p. 1473).
Mais aucun texte légal, aucune instruction, aucun règlement
ne fondait la tactique de l'infanterie légère particulière
aux voltigeurs ; le seul document de référence,
le règlement de 1791, n'établissait
pas de différence entre l'infanterie de bataille et l'infanterie
légère quant aux manœuvres.
Dans le bataillon rangé en bataille, la compagnie de voltigeurs
tenait la gauche depuis 1808 et formait un peloton disposé
comme les autres compagnies avec cette différence que le
second sergent était placé à la gauche du premier
rang, avec un caporal derrière lui au troisième rang,
pour fermer la gauche du bataillon. Étant de corpulence assez
faible, le voltigeur occupait dans le rang un espace estimé
à dix-huit ou dix-neuf pouces. |
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