| Dernière modification: 21/10/2002
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Extrait de la statistique du département de Vaucluse sur les Juifs de ce département.
L’établissement
des juifs dans le Comtat remonte au 12me siècle. Philippe Auguste les ayant
chassé de France, quelques-uns obtinrent un asile dans les villes d’Avignon,
Carpentras, l’Isle et Cavaillon. Ce n’était, au reste, qu’un asile précaire
et accompagné de traitements ignominieux. On leur assigna dans chacune de ces
villes un quartier exclusif, ou plutôt une seule rue, dont les portes se
fermaient à 5 heures du soir en hiver, et à 8 en été. Tout Juif trouvé hors
de son quartier après la clôture des portes était mis à l’amende. S’ils
voulaient faire un voyage, il fallait en acheter la permission. Il leur en
fallait une pour aller au spectacle, et ils payaient double. Ils ne pouvaient
acquérir aucun immeuble, ni rien fabriquer ; ils furent exclus, même dans le
16me siècle, de tout autre commerce que celui de la friperie ; assujettis
depuis environ cent ans, à porter une marque distinctive, qui était pour les
hommes le chapeau jaune, et pour les un morceau d’étoffe de même
couleur, cet état de dégradation étouffait en eux toute idée libérale. Leur
vie concentrée n’avait qu’un avantage moral, c’était de conserver parmi
eux les vertus domestiques. Les filles et les juives pourraient être citées
comme des modèles de sagesse et de fidélité conjugale. Les jeunes gens même
étaient exempts des écarts si communs à leur âge. Telles
étaient les mœurs des juifs avant la réunion du Comtat à la France. Il ne
paraît pas qu’elles aient beaucoup changé. Les plus aisés ont quitté le
pays, soit pour trouver ailleurs plus de sûreté, soit pour fuir le théâtre
de leurs anciennes humiliations. En
1790, il y en avait à Avignon, 400 ; à Carpentras;, 1500 ; à l’Isle, 450 ;
à Cavaillon, 100. En total environ 2450. Leur
nombre est réduit maintenant à moins d’un cinquième de ce qu’il était en
1790. Cette
diminution, produite par la faculté donnée aux juifs de s’établir ailleurs,
explique la diminution de la fortune de ceux qui sont restés dans ce département.
Leur commerce était devenu florissant vers l’époque de la révolution. Outre
la friperie et la vente de quelques étoffes, quelques-uns firent le commerce
des chevaux, et plus généralement le trafic de l’argent. Pie IV les avait
autorisés à percevoir l’intérêt à 9 p. 100. Mais possédant toutes les
ruses dont le métier d’usurier est susceptible, en paraissant prêter de
l’argent à un taux modéré, ils savaient se ménager des ressources pour en
retirer, en effet, un profit exorbitant. A l’époque de la réunion, on évaluait
à 8 millions les capitaux des juifs en circulation, dont la moitié appartenant
à ceux de Carpentras. On présume qu’il n’y avait qu’une petite partie de
ces fonds placés dans le Comtat ; le reste était dans les provinces voisines. Depuis
la révolution, la plupart des juifs du Comtat qui étaient dans l’aisance ont
transporté ailleurs, comme on l’a déjà remarqué, leur domicile et leur
fortune. Les autres ont éprouvé des pertes considérables, soit par la chute
du commerce des dorures et étoffes de soie, soit par l’effet de la loi du maximum,
soit enfin par les remboursements en assignats. Le résultat de ces
circonstances est qu’il sont aujourd’hui presque tous dans la misère.
Quelques-uns ont embrassé des professions mécaniques, d’autres s’adonnent
à différents genres de commerce, mais avec peu de succès, parce que les fonds
leur manquent. Ils exercent une espèce de culte dans les synagogues, auxquelles on donne vulgairement le nom d’Écoles. Ce sont d’ailleurs des citoyens paisibles, étrangers à toutes les factions. Dans la ville d’Orange qui ne faisait point partie du ci-devant Comtat, il y avait, avant la révolution, une seule famille juive ayant une fortune de 300.000 f. Elle est maintenant ruinée. Il s’y est établi, au commencement de la révolution, huit autres familles, qui s’occupent la plupart d’un petit commerce de chevaux, ou de quelques autres négoces. Il n’y en a que deux qui aient des propriétés foncières. Ces neuf familles forment un total de 46 individus. Il faut y ajouter un juif domicilié depuis 1789, dans la commune de Jonquières, arrondissement d’Orange, et qui fait un commerce de mercerie. (Journal de Paris, 25 ventôse an 9-16 mars 1801.) |
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