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Dernière modification: 24/11/2002

Laines

Troupeau de Rambouillet.

 

Compte rendu à la classe des Sciences mathématiques et physiques  de l’Institut national, de la vente des laines et de 161 bêtes du troupeau national de Rambouillet, faite dans le mois de prairial an 9, par les C.ens Tessier et Huzard.

- Séance du 1er messidor an 9.

(Brochure in-4°) Prix 60c,  & 75 c fr. de port. - A Paris, chez Baudouin, imprimeur de l’Institut national, rue de Grenelle-St. Germain, n° 1131. - On trouve chez le même, les Comptes précédents rendus dans les années 6, 7, & 8.

 

On ne peut envisager sans un grand intérêt la nouvelle branche d’industrie et de commerce qui s’élève parmi nous. Tributaires, pour ainsi dire, de l’Angleterre et de l’Espagne, par la nécessité d’en tirer des laines propres à nos manufactures, nous commençons à voir luire l’espoir de les alimenter de notre propre fond. Et pourquoi, en effet, l’activité française n’obtiendrait-elle pas des succès qui ne sont pas plus naturels à ces deux contrées qu’au sol heureux que nous habitons ?

Les laines fines dont se glorifie l’Espagne sont originairement un produit de l’industrie. Elle doit à un homme de génie ces richesses, bien au-dessus de l’or que, depuis, elle a tiré du nouveau monde. Columelle, natif de Cadix, conçut et exécuta le projet d’améliorer les laines espagnoles par l’accouplement de béliers africains avec les brebis du pays. Ce qu’avait fait Columelle, don Pedre IV, roi d’Aragon, 13 siècles après, le renouvela, le perfectionna même, en faisant venir de Barbarie un grand nombre de ces animaux. Non seulement ils influèrent sur l’espèce indigène par le croisement, mais encore ils formèrent une nouvelle race plus parfaite.

C’est par le même procédé que l’Angleterre s’est procuré ses belles laines. Henri VIII obtint de l’empereur Charles V, un certain nombre de bêtes espagnoles, et au moyen des sages précautions qui furent prises, on parvint à créer une nouvelle espèce et à perfectionner l’espèce ancienne. Les Anglais savent tout ce qu’ils doivent à cette production précieuse. “C’est sur cela, dit un de leurs poètes, qu’est solidement établie la grandeur de l’Angleterre ; par là elle commande aux richesses des climats les plus brillants... ; par là fleurissent sa culture, son industrie, ses arts ; par là elle fait marcher superbement sur les flots ses foudres guerrières, etc.”

La France s’honore aussi d’un Columelle. On sait que c’est à l’estimable d’Aubenton qu’on doit la première idée du perfectionnement des laines.  Il fit ses essais à Montbard ; les moutons furent laissés au parc soit en été, soit en hiver, et le philosophe français, comme celui de Cadix, eut le plaisir de voir ses efforts couronnés par la réussite.

Des vues si utiles furent, depuis, suivies avec le soin qu’elles méritaient. On commence à en recueillir les premiers fruits ; et on lira sans doute avec satisfaction le compte que l’on vient de rendre à l’institut de la vente des laines, et de celle d’une partie du troupeau national de race d’Espagne, établi à Rambouillet.

Il en résulte, 1° que la mère-laine de la tonte de l’an 9, comparée à celle de l’an 6 et de l’an 7, a presque doublé de prix, et que, dégraissée, elle est d’une valeur qui la met au rang de la plus belle laine d’Espagne.

2° Que l’on compte maintenant en France 10 à 12 mille bêtes de laine superfine, d’où on peut conclure qu’il y en a 2 millions d’améliorées.

3° Qu’en laissant les bêtes deux années sans les tondre, il n’y a pas de perte pour le produit en laine, et qu’elle acquiert le double de longueur sans rien perdre de sa finesse. La brebis n’en souffre pas. Elle allaite seulement avec plus de difficulté. Cette augmentation de longueur est précieuse, parce qu’elle est exigée par certains ouvrages. Le retardement de la tonte paraît n’avoir pas été inconnu aux anciens.

4° Enfin, on a éprouvé qu’en mettant à l’engrais les moutons espagnols, le plus faible avait acquis un poids de 120 livres, dont 16 livres de suif ; et que la chair en était excellente.

Il est donc évident que le climat de la France ne repousse pas, comme on l’avait cru, ce moyen de richesses. Il n’y sera même que rétabli, puisque Pline parle des belles laines des Gaules. Le gouvernement ne néglige aucun des encouragements en son pouvoir, et tout doit nous faire espérer que le temps n’est pas éloigné où, sous ce rapport même, nous n’aurons rien à envier à nos industrieux voisins.

 

(Journal de Paris, 24 vendémiaire an X - 16 octobre 1801.)

 

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