Chemin des Dames

Voyage d’étude au « Chemin des Dames »
le 12 et 13 MAI 2007

C’est sans doute en l’honneur des princesses Adélaïde et Victoire, filles de Louis XV qui l’empruntaient pour rendre visite à leur ancienne gouvernante que le Chemin des Dames doit son nom, mais c’est la sanglante bataille de 1917 qui lui assure malheureusement une place inoubliable dans l’histoire. Voici aujourd’hui 90 ans que cette crête qui sépare les vallées de 2 rivières, l’Aisne et l’Ailette, a vu s’opposer Français et Allemands dans de véritables boucheries qui se sont soldées par une défaite française. Notre association se devait de marquer cet anniversaire. Cela fut fait ces 12 et 13 mai, lorsque sous la conduite experte de notre ami Paul VAN RUYCHEVELT, membre du Conseil d’Administration de notre société, mais aussi grand spécialiste des deux conflits mondiaux, une cinquantaine de nos membres se sont embarqués pour un voyage d’étude qui devait les conduire au cœur du département de l’Aisne et sur le théâtre de l’offensive du printemps de 1917. 

Après quelques embarras de circulation à Corbény, notre groupe effectue sa première halte à l’emplacement de l’ancien village de Craonne, complètement détruit lors des combats. C’est l’occasion pour Paul VAN RUYCHEVELT de nous retracer les évènements de 1917 et de nous faire entendre la fameuse chanson de Craonne (voir Militaria Belgica Info n° 45) dont l’auteur est resté anonyme et qui traduit si bien le découragement des poilus devant l’inanité des attaques répétées lancées par le général Nivelle contre les troupes allemandes bien retranchées dans des abris creusés dans le sol. En un mois de combat, les Français déploreront 270.000 hommes mis hors de combat pour des pertes allemandes de 163.000 soldats et tout cela sur un front de 30 kilomètres ! Rien d’étonnant dans ces conditions que le moral des troupes ait été au plus bas et que des mutineries, sévèrement réprimées, éclatent çà et là. Ce souvenir est encore douloureux pour les Français et ce n’est que récemment qu’un certain nombre de fusillés pour l’exemple ont été réhabilités. Chacun a encore à l’esprit le film de Stanley Kubrick « les Sentiers de la Gloire » qui illustre cet épisode peu flatteur de l’histoire et qui a été interdit de projection en France pendant de nombreuses années.


Dépôt de fleurs au monument de Craonne
Suivant une tradition, maintenant bien établie que l’on doit à notre administrateur Fons WUYTS, notre groupe fleurit symboliquement le monument aux morts du village de Craonne et respecte une minute de silence à la mémoire de tous les morts du conflit.Le village est dominé par le plateau de Caléfornie, d’où les troupes allemandes tenaient sous leurs feux les Français qui attaquaient depuis la vallée. La vue est saisissante : les versants sont très raides et il faut parcourir plus de cent mètres pour arriver au sommet.
On imagine le fantassin lourdement chargé escaladant la pente sous un tir soutenu : un exploit en soi. Nous effectuons une promenade le long du plateau, maintenant boisé, où l’on distingue encore très clairement les restes de tranchées et de cratères d’obus.Notre promenade achevée, nous revenons à Corbény pour déjeuner dans un établissement réputé pour sa cuisine à base de miel et d’hydromel. Après cette pause bienvenue, nousallons visiter ce qui constitue le clou de notre première journée de voyage : la Caverne du Dragon. Cette ancienne carrière de calcaire, qui a notamment fourni les pierres nécessaires

à l’édification de l’abbaye toute proche de Vauclair, avait été transformée par les Allemands en caserne souterraine. Les occupants y étaient à l’abri des projectiles les plus lourds et ils trouvaient un havre de paix comportant des dortoirs, une chapelle, un poste de secours et des points d’eau. L’entrée de la Caverne est située sous un tout nouveau bâtiment très moderne qui abrite un musée du souvenir, une salle destinée aux expositions temporaires et une salle de cinéma. Un guide très compétent nous a fait découvrir toute la richesse de ce site dont une partie a, par la grâce  d’une scénographie de qualité, été transformée en espace de recueillement et de souvenir.

Après la visite de la Caverne, nous allons admirer à proximité le Monument dit « des Basques » érigé à la mémoire de la 36ème division d’infanterie composée majoritairement de soldats originaires de cette région du sud-ouest de la France. Chose étrange le personnage central, qui est un civil portant le célèbre béret basque et la ceinture tressée typique des paysans locaux, tourne le dos au champs de bataille et contemple le magnifique point de vue qui s’offre à nos yeux.

Nous revenons ensuite vers la ferme de Hurtebise, entièrement reconstruite après la guerre. C’est à cet endroit que la crête est la plus étroite et cela en fait un point stratégique de grande importance Il n’a pas fallu attendre la première guerre mondiale pour s’en rendre compte. En effet, lors de la campagne de France de 1814, les troupes de l’Empereur Napoléon Ier affrontent celles du Prussien Blücher et du Russe Woronzow.

 

Ferme de HURTEBISE – Monument

Les avant-gardes russes occuperont la ferme et y offriront une résistance courageuse aux armées françaises avant d’évacuer les bâtiments. Ces faits d’armes sont rappelés par un remarquable monument où l’on retrouve côte à côte dans un même élan héroïque un « Marie-Louise » de l’Empereur et un Poilu de la République.
Non loin de là se dresse d’ailleurs une assez médiocre statue de l’Empereur des Français que les plus fervents de ses admirateurs vont photographier de près.Nous partons d’Hurtebise vers le site de l’ancienne abbaye cistercienne de Vauclair fondée par saint Bernard au XIIème siècle (remarquons au passage l’analogie étymologique Vauclair / Clervaux). Détruite lors de l’offensive Nivelle, elle a été restaurée et présente, dans un très beau site, des ruines à l’allure très romantique et un jardin de plantes officinales. Nous flânons agréablement parmi les pans de mur épars en profitant de la grande douceur de cette fin d’après-midi.

Mais il est temps de gagner notre hôtel non sans avoir encore effectué une halte pour parcourir l’arboretum implanté à la place de l’ancien village de Craonne. Non loin de là nous admirons le Monument national des Chars édifié à l’endroit même ou ceux-ci furent utilisés pour la première fois par les Français. L’assaut fut un échec : le commandant BOSSUT fut tué au combat et seuls une trentaine de chars parvinrent à regagner les lignes alliées sur la centaine d’engins lancés à l’attaque. A côté du monument construit durant l’entre-deux-guerres figurent quelques engins blindés des années cinquante.

Après cette journée bien remplie, nous arrivons enfin au Campanile de Laon où nous prenons notre repas du soir et où nous passons une nuit réparatrice.

Le lendemain matin, après un copieux petit déjeuner, nous embarquons, par un temps pluvieux et maussade, à destination du fort de Condé. En chemin, nous apercevons au bois des Buttes une stèle érigée à la mémoire du poète Guillaume Apollinaire qui y fut blessé à la tête le 17 mars 1916 et nous photographions – sous la pluie – le Monument national aux Mortiers de tranchées, vulgairement appelés « crapouillots ». Celui-ci, qui présente de manière originale la forme stylisée d’un projectile à ailettes, se dresse à l’emplacement du moulin de Laffaux, situé à l’extrémité occidentale du Chemin des Dames et dont il ne subsiste rien. Aragon l’a célébré dans son poème : « Voyageur, souviens-toi du Moulin de Laffaux… ». Le temps s’est rétabli lorsque nous arrivons au fort de Condé qui nous accueille sous un beau soleil.


Fort de Condé

Ce fort du système dit « Séré de Rivières », du nom du général du Génie, membre du Comité de Défense chargé de réviser la défense des frontières, s’intègre dans le nouvel ensemble de fortifications mis sur pied par la France après l’issue malheureuse de la guerre de 1870 et la perte de l’Alsace et du nord-est de la Lorraine. Il fait partie de la deuxième ligne de défense qui doit permettre à l’armée française, en cas d’échec à la frontière, de se replier et de reprendre l’offensive avec le soutien logistique direct de la ligne de chemin de fer en provenance de Paris.

Les progrès de l’artillerie, liés notamment à la découverte de la mélinite en 1885 et la charge financière considérable représentée par la mise sur pied de ces fortifications, conduisent à la décadence du fort de Condé et à son obsolescence rapide. Les travaux de construction, entamés en 1877, se terminèrent en 1882, mais déjà en 1896 son désarmement fut décidé et il fut déclassé dès 1912. Il avait coûté près de 2 millions de francs de l’époque pour une durée de vie active de trente ans. Quel gâchis !!

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner si le fort de Condé ne joua qu’un rôle négligeable durant la première guerre mondiale où il fut bombardé et pris par les Allemands avant d’être repris par les Français. Durant le second conflit mondial, il ne joua aucun rôle. Après celui-ci, il servit de centre de « désobusage » et nous avons pu découvrir un monument érigé à la mémoire des démineurs qui perdirent la vie suite à une explosion accidentelle intervenue dans le cadre de leur dangereuse activité.

Comme c’est souvent le cas, ce sont des bénévoles enthousiastes qui sont à l’origine de la conservation du fort en créant en 1979 « l’Association de Sauvegarde du Fort de Condé ». Aujourd’hui, la fortification, propriété de la commune de CHIVRE-VAL, est inscrite sur l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques et les travaux de restauration se poursuivent.

L’accueil réservé à notre groupe est très sympathique et un guide éclairé nous fait découvrir toute la richesse architecturale de cette construction qui allie beauté et efficacité. Le fort, ayant peu souffert des conflits, est encore en excellent état de conservation bien qu’il ait servi, à plusieurs reprises, de carrière de pierres pour les populations voisines. Une de ses caractéristiques les plus originales réside certainement dans la présence de deux casemates cuirassées dont le transport des 208 tonnes de fonte dure a nécessité le renforcement des routes d’accès et l’utilisation d’une locomotive routière.

 


La SRAMA au fort de CONDÉ

C’est dans un des casernements que nous prenons l’apéritif et que nous déjeunons d’un copieux et excellent plateau-repas servi avec beaucoup de gentillesse.

Après avoir jeté un rapide coup d’œil sur le petit musée installé dans le fort, nous reprenons la route en direction de notre dernière étape, la vieille ville médiévale de Laon, dont la cathédrale – une des plus belles de France – couronne un éperon rocheux et est visible à des kilomètres de distance.

Un bref arrêt permet à chacun, selon ses goûts, de visiter la cathédrale, d’admirer la chapelle des Templiers, de flâner dans la ville ou, plus prosaïquement, de boire un verre. Les admirateurs de Napoléon pourront y acheter une carte postale dont notre secrétaire général Jean-Jacques PATTYN vous a entretenu par ailleurs dans le Militaria Belgica Info n° 44.

Nous arrivons sans encombre à Bruxelles.

Grâce à notre ami Paul, nous avons dignement participé à la célébration du 90ème anniversaire du « Chemin des Dames ». 

Charles GODART
 Administrateur