COLSON Bruno (Université de Namur)
Les opérations militaires en Europe centrale ne constituent qu’un aspect de la guerre de Sept Ans mais il fut primordial pour la Prusse, l’Autriche et le monde germanique de façon générale. Si elles furent dominées par la personnalité de Frédéric II, l’historiographie a bien souligné la constante prise de risque du roi dans sa politique et sa stratégie, le caractère de plus en plus meurtrier et non « décisif » de ses batailles, l’épuisement de la Prusse à la fin du conflit[1]. Dès le lendemain de la guerre, le roi lui-même écrit qu’il ne fera plus la guerre de cette façon et il rend hommage à ses adversaires autrichiens, davantage adeptes de la défensive[2]. Plusieurs témoignages confirment ce côté de plus en plus meurtrier des affrontements. Les théoriciens militaires emboitent le pas et certains, comme le Prussien Berenhorst, n’hésitent pas à critiquer le roi, qualifiant ses batailles de véritables massacres[3]. Les témoignages sont moins nombreux chez les Autrichiens. Les pages qui suivent mettent en évidence celui du prince Charles-Joseph de Ligne (1735-1814). Avant de devenir l’écrivain aux multiples facettes, le brillant causeur et le « charmeur de l’Europe », il a servi comme officier d’infanterie durant la guerre de Sept Ans et il a connu toute la dureté des campagnes et des batailles en Europe centrale. Il présente aussi l’intérêt d’avoir vécu pratiquement jusqu’à la fin des guerres napoléoniennes et d’avoir esquissé l’une ou l’autre comparaison entre ces deux époques.
Charles-Joseph de Ligne et son Journal de la guerre de Sept Ans
Descendant d’une des plus illustres familles de la Belgique actuelle, le prince de Ligne est capitaine au régiment d’infanterie dont son père est propriétaire en 1757. Au cours de l’hiver 1758-1759, il est nommé colonel commandant et exerce désormais la direction effective du régiment de Ligne en campagne. Depuis son enfance, il adore la profession des armes et n’aspire qu’à la gloire des champs de bataille. Sa bibliothèque militaire, toujours conservée au château de Belœil, est une des plus riches d’Europe. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages à caractère militaire[4]. Parmi eux figure son Journal de la guerre de Sept Ans. Pour Christopher Duffy, il s’agit de la plus importante source sur le vécu de l’armée autrichienne durant cette guerre[5]. Le prince de Ligne a publié ce texte dans ses Mélanges[6]. La découverte d’une version manuscrite inédite aux archives du Service historique de la Défense à Vincennes amène à constater des différences importantes avec la version publiée[7]. Les deux versions ont été publiées par Jeroom Vercruysse et l’auteur de ces lignes[8]. La première, écrite au jour le jour ou quasiment, est à proprement parler un journal (diary), alors que la seconde relève plus du genre des mémoires, bien qu’il soit difficile de dire si un journal réécrit après plusieurs années par son auteur peut vraiment relever de cette catégorie[9]. Sur le plan des faits rapportés, les mémoires sont évidemment moins fiables que les écrits du temps de guerre, lettres, journaux ou documents administratifs. Ceux-ci sont plus proches de l’expérience du combat, bien qu’ils puissent être aussi « culturellement construits ».
Le prince a fait quasiment toute la guerre, de la bataille de Kolin en juin 1757 jusqu’à celle de Burkersdorf en juillet 1762. Si les batailles servent de repères, elles furent davantage l’exception que le quotidien de sa vie en campagne. Charles-Joseph nous en fait vivre tous les aspects. Les périodes d’inaction sont longues et beaucoup de temps est consacré au choix et à la construction des camps. L’inaction est nuisible, écrit le prince, car elle entraîne « la désertion, les maladies, le manquement des vivres, la maraude et l’indiscipline »[10]. L’officier, au contact permanent de la nature, affine son coup d’œil. Sauf en 1757, les opérations s’interrompent vers la fin du mois d’octobre et ne reprennent qu’à partir du mois de mai, quand les chevaux peuvent retrouver du fourrage. Les opérations actives ne durent que cinq mois sur l’année et les armées ne se déplacent que lentement. Il leur arrive de « vivre sur le pays ». Au début du mois d’octobre 1760, lorsque l’armée autrichienne marche sur Berlin, Ligne fait enlever tous les troupeaux : plus de mille moutons et six cents bœufs marchent à la suite de son régiment et permettent de nourrir tous ses soldats de « viande gratis jusqu’à la fin de la campagne »[11]. Les 9 et 10 octobre, le château de Sans-Souci est préservé des cosaques par les Autrichiens mais celui de Charlottenburg n’a pas la même chance. « Les cosaques y coururent d’abord et mirent tout en pièces, écrit le prince. Nos hussards ne voulurent pas être en reste ; ils y firent un peu de train. On marchait jusqu’à mi-jambe dans la porcelaine et les cristaux[12]. »
Ce passage illustre une réalité de la guerre de Sept Ans : des troupes « irrégulières », cosaques chez les Russes, « Croates » et même hussards chez les Autrichiens, accompagnent les armées et mènent souvent une « petite guerre » faite de pillages et de déprédations[13]. Bien qu’il serve dans un régiment régulier, Ligne est fréquemment associé à des reconnaissances, à des coups de main aux avant-postes, en même temps que des Croates ou d’autres troupes légères. Il parle de « commandos » pour qualifier ces petits groupes d’hommes qui opèrent de la sorte. Il lui arrive de s’acheter un espion. Les opérations donnent aussi lieu à quelques sièges. La place de Schweidnitz change plusieurs fois de mains. En novembre 1757, les Autrichiens utilisent des « bombes remplies d’artifices » qui provoquent un incendie dans la ville. Au mois d’août précédent, un bombardement plus terrible encore a ravagé la ville de Zittau en Saxe. Ligne déplore qu’il ait provoqué la mort des « plus jolies personnes du monde ». Il parcourut les ruines fumantes par après. « Il était dangereux, écrit-il, de s’y promener à cause de pierres, qui se détachaient encore, et affreux d’y trouver dans des caves de 60 à 80 personnes étouffées, ainsi que j’ai vu des enfants qui avaient expiré aux seins de leurs mères. » Cet « horrible tableau » était « capable de dégoûter à jamais de la guerre »[14].
Les batailles restent les grands moments de l’expérience guerrière du prince. Il souligne bien certaines réalités de leur vécu. Limitons-nous, à titre d’exemples, aux affrontements de l’automne 1757 et soyons attentifs aux pertes subies. À Moys près de Görlitz, le 7 septembre, les Autrichiens gravissent les pentes du Holzberg et s’emparent du camp des Prussiens. Ceux-ci montent une contre-attaque par un autre côté de la colline et ils tombent nez à nez avec la deuxième vague d’assaut de l’infanterie autrichienne, où se trouvent les régiments « wallons ». La surprise est totale. Le régiment de Saxe-Gotha, derrière celui de Ligne, commence à tirer et touche davantage ce dernier que les Prussiens.
Combat de Moys ou de Görlitz, 7 septembre 1757. (Schauplatz des Gegenwaertigen Kriegs, i, Nuremberg, s.d., Bibliothèque du château de Belœil, cliché J. Piérard).
Le premier rang des Prussiens et le nôtre se trouvaient si près l’un de l’autre que les fusils se croisaient presque. Ce fut alors que la boucherie commença : les baraques, les cuisines, les tentes la favorisaient, quoique à force de tirer elles furent toutes en feu ; ils s’en servaient comme un parapet pour nous fusiller à brûle-pourpoint ; aussi les blessures étaient si larges qu’on eût dit qu’elles étaient de canon[15].
Dans la version imprimée de son journal, Ligne ajoute que les deux troupes, arrivées en même temps sur la crête, eurent un moment de flux et de reflux comme au parterre de l’opéra ; je tâchais de le finir, le fixer et le rassurer, par une barricade que je fis avec ma pertuisane et les hallebardes de mes bas-officiers. Il était rude d’être entre le feu le plus nourri que l’ennemi ait fait de la guerre, et celui du régiment de Platz qui, au lieu d’être à notre droite, se dépêchait de tirer ses cartouches derrière nous, pour avoir un prétexte de s’en aller.
Combat de Görlitz, le 7 septembre 1757, gravure de P. Choffard. (C.-J. de Ligne, Préjugés militaires, 1780, p. 11. Namur, Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin BUMP RLIGNE 022-01).
Le « tir ami » caractérise décidément cette confuse bataille d’infanterie. Comme le désordre s’installe dans les rangs et que les ennemis sont proches, des coups de baïonnette se donnent. Selon le prince, son bataillon perd plus de la moitié de son effectif[16].
Le 22 novembre 1757, les 80.000 hommes du duc Charles de Lorraine attaquent les 28.000 Prussiens du duc de Bevern devant Breslau. La disproportion est telle que les Autrichiens ne peuvent manquer d’être victorieux. Elle ne les incite pas à reconnaître le terrain, où leurs adversaires ont pourtant établi des redoutes et tirent parti des obstacles de la nature. Aussi le prince de Ligne, lorsqu’il visite le champ de bataille le lendemain, ne peut-il « voir sans frémir la quantité de monde » que l’infanterie autrichienne a perdue, particulièrement en officiers. Comme il sert dans l’infanterie, il a tendance à accentuer l’implication moindre de la cavalerie. Près des faubourgs de Breslau, il voit des cavaliers des deux camps courir « ensemble au trot parallèlement pendant quelque temps pour ne pas s’attraper ». L’infanterie est l’arme qui souffre le plus. C’est ce que cache l’euphémisme qui la qualifie de « reine des batailles ». Les attaques autrichiennes ne sont guère coordonnées, si l’on en croit Charles-Joseph. Il remarque à un moment donné que son bataillon, chargé d’attaquer une redoute, n’est suivi de personne. Il voit que les trois régiments de sa brigade restent en arrière et n’osent pas avancer sans ordre :
J’eus beau presque me mettre à genoux, j’y perdis mon latin, et le chevalier de La Marlière notre lieutenant-colonel aussi, qui était du même sentiment que moi. […] Nous n’avions pas le bonheur de voir aucun de nos généraux pour décider notre sort, ils étaient allés reconnaître d’un autre côté et n’en étaient pas instruits, je les envoyai chercher par leurs adjudants à qui je ne pus m’empêcher de dire quelques sottises pour décharger ma colère de ce que nous manquions un coup qui nous faisait honneur[17].
Ligne critique souvent, dans son journal, les pesanteurs et le manque d’initiative du haut-commandement autrichien. Son récit de la guerre de Sept Ans est évidemment un « égo-document » et nous manquons souvent de sources aussi proches des faits pour vérifier ses dires. Les archives de la guerre autrichiennes (Kriegsarchiv) conservent les listes de revue (Musterlisten) des régiments. On y voit les pertes éprouvées dans les combats. Comparons ces données avec le récit d’une des plus terribles défaites autrichiennes de la guerre.
Le régiment de Ligne à Leuthen (5 décembre 1757)
Dans la geste guerrière prusso-allemande, la bataille de Leuthen occupe une place centrale. Elle est considérée comme la plus grande victoire de Frédéric II[18]. Celui-ci a pu mettre en œuvre un dispositif d’attaque expérimenté longuement sur les terrains de manœuvre, le Schrägangriff, généralement traduit par « ordre oblique »[19]. Vainqueur des Franco-Impériaux à Rossbach en Saxe le 5 novembre, le roi revient à marches forcées vers la Silésie, auprès des troupes qui se font battre à Breslau le 22. L’armée autrichienne de Charles de Lorraine s’avance le 4 décembre et apprend que son avant-garde s’est fait attaquer par l’armée du roi à l’endroit qui faisait l’objet d’une reconnaissance pour l’établissement du camp. En conséquence, les bagages doivent rester en arrière et l’armée doit camper en terrain découvert et sous les armes. En empêchant ses adversaires de prendre leur camp où ils le pensaient, Frédéric les oblige aussi à s’établir en de longues lignes. Comme à cette époque l’ordre de bataille correspond à celui du campement, cela veut dire que l’armée impériale devra éventuellement livrer bataille en terrain découvert, sans le secours d’une position, ce qui est contraire à ses habitudes[20]. Il gèle et le sol est recouvert d’une fine couche de neige. Le régiment de Ligne n’a qu’un bataillon à l’armée. Il fait partie de la réserve, postée à l’extrême droite du dispositif autrichien.
Dès cinq ou six heures du matin, le 5 décembre, le gros de l’armée prussienne est en marche et se porte sur le flanc gauche des Impériaux. Le roi veut y avoir une supériorité numérique locale et, tout en refusant sa gauche où il ne laisse qu’un faible écran, il compte bien écraser les forces autrichiennes au fur et à mesure qu’elles se présenteront[21]. Le terrain est plat et ouvert mais, après avoir progressé de quelques centaines de pas, grâce à un pli de terrain, les colonnes prussiennes ont disparu de la vue du haut-commandement autrichien qui se trouve juste au nord du village de Leuthen. La manœuvre prussienne est une des plus complexes de toutes les batailles en ordre linéaire mais Frédéric sait que ses régiments se composent à ce moment-là des meilleurs hommes qu’il n’ait jamais eus et qu’ils en sont capables. La connaissance du terrain mais aussi le sol gelé, favorable à la marche, et le brouillard qui la dissimule, sont des atouts supplémentaires. La gauche des Impériaux est non seulement « en l’air », comme dit le prince de Ligne, c’est-à-dire non appuyée à un élément naturel – il y a pourtant une rivière et des marais à proximité – mais elle est composée de Wurtembergeois peu désireux de combattre des Prussiens, protestants comme eux. Ils tiennent très peu de temps, quittent les rangs, se rendent aux Prussiens ou prennent la fuite. Toute l’aile gauche impériale doit se replier.
Bataille de Leuthen, 5 décembre 1757. (Schauplatz des Gegenwaertigen Kriegs, i, Nuremberg, s.d., Bibliothèque du château de Belœil, cliché J. Piérard).
Le commandement autrichien cherche à renverser son front pour faire face à l’attaque. Toutes les unités de l’aile droite, dont le bataillon de Ligne, sont dépêchées en urgence en direction du village de Leuthen. Il y a plus d’une heure de marche rapide[22]. Les canons ne peuvent pas suivre et « de même que ceux de toute l’armée, écrit le prince, ils s’en allèrent tout de suite, et sans tirer presque un coup, et ne nous rendirent enfin pas le moindre service »[23]. Ce détail ne figure plus dans la version imprimée mais il est significatif d’une particularité de cette bataille. Leuthen est en effet le seul affrontement majeur de la guerre de Sept Ans où l’artillerie des Autrichiens, généralement mieux employée, est surclassée par celle des Prussiens[24]. La première impression du prince est que l’infanterie est abandonnée à elle-même. « Nous ne fîmes qu’une course, dit la version imprimée ; mon lieutenant-colonel fut tué d’abord ; je perdis outre cela le major, tous mes officiers, à l’exception de trois, et onze ou douze volontaires ou cadets »[25]. Charles-Joseph ajoutera ce détail dans un autre texte :
Conçoit-on mon malheur à la bataille de Leuthen ? Quand sans être ivrognes, et mourant de faim depuis deux jours, tous mes camarades et officiers du régiment de mon père, surpris par un petit baril d’eau-de-vie, entrèrent dans le feu ivres-morts, et puis morts tout à fait, car ils ont été tués ou blessés mortellement. Nous n’étions que trois officiers qui n’ont été ni l’un ni l’autre, les deux étaient ivres aussi, mais je chargeai deux cadets de ma compagnie d’en faire le service[26].
Bataille de Leuthen, le 5 décembre 1757, gravure de P. Choffard. (C.-J. de Ligne, Préjugés militaires, 1780, p. 33. BUMP RLIGNE 022-01).
Les pertes en officiers éprouvées d’entrée de jeu par le régiment de Ligne témoignent de la puissance de feu rassemblée par Frédéric pour son attaque. Non seulement il a regroupé des pièces d’artillerie lourde pour appuyer son infanterie mais celle-ci est suivie de chariots de munitions qui la ravitaillent en cartouches, ce qui est une nouveauté[27]. Le prince de Ligne rapporte comment son bataillon est arrivé près du village de Leuthen :
Comme on nous faisait marcher par fronts entiers, quand nous approchâmes du funeste village, où notre bataillon entra, ceux que les maisons empêchaient d’avancer également ne firent plus que nous embarrasser, celui d’Andlau, pour un moment qu’il vient se placer derrière nous, nous fit sur le corps une magnifique décharge, que j’évitai en me baissant le plus que je pus que sûrement nous aura fait autant de tort que celles de Platz à Göreuz[28].
Au combat de Görlitz ou de Moys, le 7 septembre précédent, le régiment de Platz avait tiré par mégarde sur celui de Ligne, comme nous l’avons vu plus haut. Le friendly fire est décidément fréquent au cours de cet automne 1757. Le journal du prince de Ligne montre bien les conditions du combat d’infanterie. Celle-ci, dans l’armée autrichienne, se forme sur quatre rangs mais depuis la bataille de Kolin en juin 1757, les trois rangs sont plus souvent adoptés, ce qui étend considérablement la ligne de feu[29]. Les régiments marchent par fronts entiers, c’est-à-dire déployés en lignes. Or il est très difficile de maintenir de l’ordre dans de telles formations. On ne peut le faire qu’au prix d’une extrême lenteur mais ici tout se fait dans la précipitation : il faut couvrir le flanc que les Prussiens ont commencé à détruire. Le front du bataillon de Ligne doit faire 240 pas, soit environ 155 mètres[30]. Le moindre obstacle met le désordre dans la formation. Le village de Leuthen, par chance pour les Autrichiens, est étiré en longueur en face du front prussien. Il consiste en gros bâtiments de ferme clos, d’où l’on peut tirer sur les attaquants.
Charles-Joseph de Ligne explique mieux ce qui s’est passé dans la version imprimée de son journal :
Nous avions passé les deux fossés qui sont dans un verger, à gauche des maisons de Leuthen. Nous commencions même à nous former en avant du village : il ne fut pas possible de s’y soutenir. Outre une canonnade incroyable, et les cartouches qui pleuvaient dans le bataillon que je commandai alors, (car je n’avais pas de colonel,) le troisième bataillon des gardes du roi, qui avait déjà passé plusieurs de nos régiments en revue, fit sur nous le feu le plus nourri : il n’était pas à 80 pas [51 m], rangé comme à l’exercice et nous attendait de pied ferme. Le régiment qui était à ma droite, Andlau, embarrassé par les maisons pour se former, se mit à trente hommes de hauteur derrière moi, et nous tirait des coups de fusil. Le régiment de Mercy, qui était à ma gauche, s’en alla d’abord et je l’aimai mieux. Je ne pus pas engager les dragons de Bathiany, qui étaient à cinquante pas en arrière, à charger pour me tirer d’embarras. Mes soldats harassés de la course, sans canon, (car il n’avait pas pu et peut-être pas voulu nous suivre,) dispersés, éclaircis, ne se battaient plus que par humeur ; c’était pour notre honneur plus que pour le bien de l’affaire, que nous ne nous en allions pas[31].
On comprend ici que les bataillons autrichiens ont d’abord traversé le village de Leuthen pour se déployer à sa sortie mais qu’ils n’ont pu le faire. Ils arrivaient de tous les côtés, sans ordres précis puisque l’urgence les y dépêchait. Les hommes étaient à bout de souffle et en sueur après avoir couru par un temps très froid. Plusieurs unités, incapables de se déployer, restèrent massées les unes derrière les autres, certaines tirant sur d’autres de leur propre camp. Une masse de trente hommes de profondeur fournissait une cible idéale à l’artillerie prussienne, établie sur une légère éminence surplombant le village[32]. Certaines sources font état d’un entassement, à certains endroits, d’une centaine de rangs les uns derrières les autres[33]. « On employa tous les moyens possibles, dit la relation officielle autrichienne, pour remettre l’ordre dans les troupes, mais ce fut inutilement »[34]. On se rend bien compte, avec le témoignage du prince de Ligne, que la professionnalisation des armées et leur discipline accrue n’ont pas fait disparaître le caractère éminemment chaotique et complexe des batailles. Le perfectionnement des techniques militaires a plutôt transformé les batailles en enfers. Les grands affrontements, comme celui de Leuthen, virent un accroissement du nombre de morts, de blessés et de déserteurs incapables de supporter une telle violence. Le prince décrit ses sentiments et ceux de ses hommes. Il évoque la peur et les comportements « peu glorieux ». Il est conscient de la difficulté de gérer les émotions de ses hommes dans l’environnement d’un combat[35].
Pour sa bravoure à Leuthen, Charles-Joseph de Ligne passe au-dessus du grade de major et est fait lieutenant-colonel[36]. Il faut dire que tous les officiers supérieurs en grade ont été tués. Depuis 1754, le régiment de son père a sa garnison à Bruges. Un bataillon, sous les ordres du lieutenant-colonel de Spittael, est « en campagne sur le Bas-Rhin », au côté des forces françaises chargées d’envahir le Hanovre. L’autre bataillon, celui de Charles-Joseph, est en Bohême, avec le colonel-commandant Maximilien de Bournonville, natif de Mons en Hainaut[37]. L’unité dont est propriétaire le feld-maréchal prince Claude Lamoral de Ligne a été créée le 1er août 1725, lors d’une réorganisation des « régiments nationaux » des Pays-Bas. Elle portera le numéro 38 dans les régiments d’infanterie à partir de 1769[38]. Une liste de revue ou de révision du bataillon et de deux compagnies de grenadiers engagés à Leuthen est organisée à Dollan (ou Dolan) en Bohême le 13 février 1758[39]. Ce document mentionne, pour l’état-major et chaque compagnie (cie) les pertes dues à « la bataille du 5 décembre » :
Le taux de pertes global de 55 % du régiment de Ligne est très élevé. C’est celui d’une unité soumise à un feu exceptionnel, à découvert et dans une situation de surprise tactique. Par rapport à une des batailles les plus meurtrières des guerres napoléoniennes, celle de Leipzig (16-19 octobre 1813), ce taux est plus élevé que celui de la division Bianchi (35 %), la plus éprouvée de l’armée autrichienne. Il n’atteint pas celui des unités prussiennes et russes les plus meurtries (64 et 68 %), soumises aux tirs concentrés de l’artillerie française, mais rejoint tout de même celui d’autres parmi les plus engagées, notamment dans des combats répétés en tirailleurs et, là aussi, dans une plaine ouverte offrant très peu de protection. Plusieurs unités françaises auront des taux de pertes dans les 70, voire les 80 %, à cause du grand nombre de prisonniers faits par les Alliés après l’explosion prématurée du pont sur l’Elster le 19 octobre. Mais dans les régiments français éprouvés par les seuls combats, un taux de 55 % dépasse celui de régiments pourtant fort engagés les 16 et 18 octobre mais n’ayant pas subi la surprise tactique et les conditions défavorables du régiment de Ligne à Leuthen[40]. Le pourcentage de pertes relativement moins élevé dans la compagnie du prince est probablement dû au fait qu’il est resté indemne durant la bataille, contrairement à beaucoup d’autres officiers, et qu’il a pu donner les ordres nécessaires à ses hommes. Le gouvernement de Vienne reconnut que tous les régiments nationaux des Pays-Bas avaient fait « des pertes considérables pendant la campagne meurtrière » de 1757 et qu’ils avaient « donné des marques si éclatantes de leur zèle et de leur courage ». Il fallait combler ces pertes et un vibrant appel à de nouvelles recrues fut lancé en janvier 1758[41].
(a) Curieusement, peu d’hommes sont mentionnés comme blessés ; ils sont vraisemblablement assimilés aux malades.
(b) Parfois mentionnés « ou prisonniers », sans doute par euphémisme pour « disparus ».
(c) Un autre décompte, dans le même carton, donne un effectif de 84 et 18 tués (mentionnés comme « prisonniers »).
(d) Un autre décompte, dans le même carton, donne un effectif de 83 et 14 tués (mentionnés comme « prisonniers de guerre »).
(e) Pour cette compagnie, il n’est pas fait mention de malades « dans les hôpitaux étrangers » comme chez les grenadiers. Nous comptons comme prisonniers les « malades à Breslau », alors occupée par les Prussiens, et les « malades en Bohême ». Un autre calcul, dans le même carton, donne un effectif de 107 et 27 « prisonniers de guerre » pour les tués.
(f) Mentionnés comme « malades en différents hôpitaux », présumés prisonniers.
(g) Dont 3 blessés à Görlitz ou Moys le 7 septembre et 1 mort le 12 février 1758.
(h) Le capitaine Jacques Ignace Dubuisson.
(i) Dont 1 blessé depuis « l’affaire de Görlitz » et 2 « invalides ».
De la guerre de Sept Ans aux guerres napoléoniennes
Charles-Joseph de Ligne est idéalement placé pour jeter un pont intellectuel entre la guerre de Sept Ans et les guerres napoléoniennes. Il a non seulement combattu sur les principaux champs de bataille de la première mais il en a aussi discuté avec Frédéric II en 1770 et en 1780[42]. Il connaît personnellement plusieurs généraux importants des secondes, dans les deux camps[43]. Dans ses multiples écrits apparaissent des comparaisons entre la guerre de sa jeunesse et celles qui préoccupent ses vieux jours.
S’il n’exerce pas de fonction militaire active durant les guerres de la Révolution française et de Napoléon, il ne cesse d’y prendre intérêt et de les commenter. Il fait figure de référence auprès des grands généraux et il n’hésite pas à leur prodiguer des conseils. C’est le cas avec le duc de Brunswick en 1794. Il lui dit de se méfier « des grands projets des colonnes soi-disant environnantes, et dont les têtes sont éloignées les unes des autres, – et des attaques compliquées, qui ne peuvent jamais être bien combinées ! C’est la bataille de Liegnitz [1760], dit-il, qui m’en a fait revenir »[44]. Les leçons de la guerre de Sept Ans, à ce moment-là, sont toujours valables pour lui.
Elles le sont encore après la désastreuse bataille de Hohenlinden (3 décembre 1800). Il est question ici de forces morales. On parle de découragement, de désorganisation, de mauvais esprit de l’armée. Mais ce ne sont là que babillages et propos de table d’officiers. On peut toujours faire ce que l’on veut des soldats « s’il y a un chef qui sache donner de bonnes paroles, du pain, de la viande extra, et quelquefois de la bière et de l’eau-de-vie ». C’est une armée qui « avait l’air battu avant de se battre » qui a remporté l’éclatante victoire de Kolin le 18 juin 1757 contre « le plus grand homme de guerre qu’il il n’y ait jamais eu ». Après Leuthen, les débris autrichiens sont dispersés et sans nourriture « au milieu de la neige, devant perdre toute espérance ». Ils se rallient pourtant sous le canon de Schweidnitz et le « grand Frédéric n’ose ni poursuivre ni attaquer ». À Torgau, le 3 novembre 1760, « la boucherie devait plutôt dégoûter de la guerre que toutes les petites affaires de celle-ci, très répétées, à la vérité, mais chacune peu meurtrière ». Ligne admet que les combats se suivent plus vite dans les campagnes de la Révolution française mais la sanglante bataille de Torgau lui reste en mémoire comme ayant atteint un sommet dans la violence[45].
Un certain manque de recule l’empêche sans doute d’insister sur un changement important dans le paradigme des batailles durant la guerre de Sept Ans. Comme Christopher Duffy l’a bien montré, les affrontements purement linéaires comme celui de Leuthen cédèrent la place à des attaques par colonnes convergentes, formées d’unités rassemblées ad hoc pour des missions précises. Le feld-maréchal Franz Moritz von Lacy vit le potentiel de ce genre d’approche et l’utilisa de plus en plus. Charles-Joseph de Ligne, grand ami de Lacy, se mit ainsi à la tête d’une colonne d’attaque qui contribua beaucoup au succès autrichien à Hochkirch, le 14 octobre 1758. Dans la suite, les Prussiens adoptèrent eux aussi ce style d’attaque[46]. L’idée ne venait pas de Lacy mais d’un colonel bruxellois d’origine italienne, Charles Amadei[47].
Depuis 1796, au fur et à mesure des succès du général Bonaparte en Italie, Charles-Joseph de Ligne commence à percevoir un certain changement dans l’art de la guerre. Après la campagne de Marengo en 1800 et celle d’Ulm et d’Austerlitz en 1805, il place Napoléon au-dessus de Frédéric II :
Celui-ci faisait la guerre sur un très petit cercle, dans un pays qu’il connaissait. Celui-là a passé les Alpes comme Hannibal, et de Boulogne a marché à Olmütz et Presbourg. Celui-ci ayant regardé une bataille comme une ode, ouvrage d’inspiration, en a gagné douze mais en a perdu trois. Ce qui ne serait point arrivé à un grand joueur d’échecs, un grand calculateur comme celui-ci qui n’aurait pas donné ou perdu la bataille de Kolin, été surpris à celle de Hochkirch, laissé passer des haies à Kunersdorf, et fait prendre le duc de Bevern et Breslau, 20.000 hommes avec Finck et 20.000 avec Fouqué[48].
Sur le plan politique, Ligne rejette Napoléon et tout ce qu’il représente comme héritier de la Révolution française et ennemi des Habsbourg. Mais en tant que militaire, il perçoit ce qu’il a d’original par rapport à Frédéric, ce que la guerre napoléonienne a de nouveau par rapport à la guerre de Sept Ans. Les armées autrichiennes ont remporté plusieurs victoires face à la France révolutionnaire, de Neerwinden à Stockach, mais elles ont toujours été battues par Napoléon. Durant la guerre de Sept Ans, les Autrichiens ont vaincu plusieurs fois Frédéric[49].
Ligne s’efforce cependant de situer l’originalité de Napoléon à sa juste place. Peu après la paix de Tilsit, il écrit que Bonaparte n’est pas « l’auteur d’une nouvelle tactique ». La nouveauté est dans sa tête et dans les jambes de ses soldats, pas dans ses manœuvres :
Il n’y a rien de nouveau dans ce genre-là depuis Épaminondas jusqu’à nous. Le grand Frédéric n’a battu de même qu’en perçant, séparant, coupant et tournant par les flancs ou à dos. Il nous aurait exterminés après Leuthen et nous l’aurions exterminé après Hochkirch, si l’on avait su poursuivre dans ce temps-là : mais vainqueurs et vaincus étaient fatigués ; et ces diables de Français qui ne le sont jamais croient n’avoir rien fait quand il leur reste à faire.
Les Germains, qui poursuivent le prince, sont trop lents et n’ont pas cette impulsion qui est naturelle aux Français. « Point cette activité galopante de généraux montés sur des rosses et en capotes grises, et tout cela fait la situation où nous nous trouvons[50]. » Dans une demande de servir à nouveau en campagne, adressée à l’empereur François II, Charles-Joseph répète que la méthode de Bonaparte n’est pas nouvelle :
Elle a été, comme celle de tous les grands hommes de guerre, de profiter des fautes et de porter, sur un seul point, soit en infanterie ou cavalerie, plus de monde qu’on avait à lui opposer. […] Le grand Frédéric cherchait de même à percer et séparer le centre, ou à tourner une aile, en refusant une des siennes[51].
En 1809 à Vienne, après la guerre entre la France et l’Autriche, le jeune duc de Broglie, alors auditeur au Conseil d’état, fréquente beaucoup la maison du prince de Ligne. Celui-ci, dans ses multiples conversations, compare « les batailles de la guerre de Sept Ans aux batailles de la Révolution et de l’Empire »[52]. Broglie n’en dit malheureusement pas plus, mais un grand historien d’aujourd’hui, l’Anglais Jeremy Black, considère-lui aussi que la tactique est fondamentalement restée la même de Fontenoy à Waterloo. Ce qui changea la donne fut la levée d’armées massives par la France révolutionnaire[53].
Plus les années passent et plus Charles-Joseph revient sur la guerre de Sept Ans. En 1812, au verso de comptes relatifs à la compagnie des Trabans, garde rapprochée des Habsbourg dont il est commandant, il livre plusieurs réflexions à son propos. Il a lu les ouvrages que lui ont consacrés Tempelhoff, Lloyd et Jomini. Il reproche à ce dernier de ne pas accorder suffisamment de crédit à cette guerre. S’il avait étudié la campagne de 1760, écrit le prince, « il l’aurait trouvée la meilleure école militaire qu’il il n’y ait jamais eue. […] Que de belles leçons. Chaque jour de cette campagne était un livre de guerre ». Pour celle de 1762 par contre, Jomini lui fait apercevoir des fautes qu’il était « trop jeune pour remarquer alors ». Au total, il réaffirme que l’art de la guerre n’a pas tellement changé.
Qu’est-ce donc que les prétendus nouveaux systèmes de faire la guerre qu’on trouve tout changés ? Je n’en trouve pas, excepté les bivouacs à la place des tentes qui nécessitaient des lignes devant la ligne, ensemble toujours prêts à combattre, des communications pour l’artillerie et la cavalerie, la discipline, la propreté, la conservation de la santé et de la monture ? Depuis Épaminondas jusqu’à nos jours, il n’y a eu que le fusil à la place des armes de trait et le canon à la place des balistes et catapultes. […] Le roi de Prusse […] tournait une aile : et l’on ne gagnera jamais de bataille sans cela. À moins de pouvoir percer le centre pour couper en deux. Je ne vois pas quelles seraient les innovations à produire. La célérité des mouvements, la manière de les cacher n’en est pas une. Heureux les généraux qui perdent leur temps et leurs cartouches au lieu de marcher et d’étonner. C’est le coup d’œil de Würzburg, Höchstädt et d’Aspern pour réussir, et de Wagram pour réparer que je leur souhaite[54].
Durant l’armistice de l’été 1813, Ligne prodigue à Metternich des conseils stratégiques pour empêcher les Français d’entrer en Bohême. Quand on veut tout couvrir, on ne couvre rien. Les invasions du grand Frédéric lors de la guerre de Sept Ans ont bien montré que trop de petits retranchements disséminent une armée. « Il n’y a personne dans votre armée qui a fait la guerre en Bohême, où j’en ai fait deux[55]. »
[1] Christopher Clark, Histoire de la Prusse (1600-1947), trad. É. Chédaille et al. (Paris: Perrin, 2009), p. 209-211 ; Christopher Duffy, Frederick the Great: A Military Life (London: Routledge, 1985), p. 230-243 et 312-317 ; Alexander Querrengässer, « A Crisis of Battle? On Decisiveness in the Wars of Frederick the Great » et Marian Füssell, « Embattled Representations Indecisiveness and the Making of Victories During the Seven Years War », in Alexander S. Burns (ed.), The Changing Face of Old Regime Warfare: Essays in Honour of Christopher Duffy (Warwick: Helion & Company, 2022), p. 288-300 et 301-320 ; Dennis E. Showalter, The Wars of Frederick the Great (New York: Longman, 1996), p. 295-296 ; Armstrong Starkey, War in the Age of Enlightenment, 1700-1789 (Westport, Conn.: Praeger, 2003), p. 47 et 57-58 ; Franz A. J. Szabo, The Seven Years War in Europe, 1756-1763 (Harlow: Pearson Education, 2008), p. 328-373 ; Claus Telp, The Evolution of Operational Art, 1740-1813. From Frederick the Great to Napoleon (London: Frank Cass, 2005), p. 12-13 et 17.
[2] [Frédéric II], Œuvres de Frédéric le Grand, éd. J.-D.-E. Preuss, iv. Histoire de la guerre de Sept Ans (Berlin: Imprimerie royale, 1847), p. xv-xix.
[3] Clark, Histoire de la Prusse, p. 214-215 ; Jean-Jacques Langendorf, La Pensée militaire prussienne. Études de Frédéric le Grand à Schlieffen, éd. N. Gex (Paris: Économica, 2012), p. 101 ; Henry Lloyd, Histoire des guerres d’Allemagne, trad. Roux de Fazillac (Lausanne, 1784; Paris: Économica, 2001), p. 319-320.
[4] Bruno Colson, « Les lectures militaires de Charles-Joseph de Ligne, d’après le Catalogue raisonné de sa bibliothèque », Nouvelles Annales Prince de Ligne, xiv (2001), p. 9-78. La meilleure biographie du prince reste celle de Philip Mansel, Charles-Joseph de Ligne 1735-1814, le charmeur de l’Europe, trad. de l’anglais (Paris: Stock, 1992). Pour ses écrits, voir Jeroom Vercruysse, Bibliographie descriptive des écrits du prince de Ligne (Paris: Honoré Champion, 2008).
[5] Christopher Duffy, The Austrian Army in the Seven Years War, i. Instrument of War (Rosemont, Ill.: The Emperor’s Press, 2000), p. 188. Le témoignage du prince de Ligne apparaît très souvent dans cet ouvrage, notamment aux p. 202, 205, 208, 209, 211, 215, 219, 221, 222, etc.
[6] Charles-Joseph de Ligne, « Mon Journal de la guerre de Sept Ans », in Mélanges militaires, littéraires et sentimentaires, xiv, xv et xvi (Dresde: Walther, 1796). Les volumes des Mélanges sont accessibles sur le site web du Groupe d’études lignistes : http://www.chjdeligne-integral-34melanges.be/ (consulté le 02/05/2023).
[7] Service historique de la Défense, Archives de la Guerre, Vincennes, 1 M 247 (2), « Mémoires de guerre de 1757 à 1762, par un officier supérieur de l’armée autrichienne », octobre 1762, 4 cahiers manuscrits. Cette découverte remonte à 1991 et est due à un chercheur allemand, Johannes Willms « Prince de Ligne, Mes Mémoires de guerre de 1757 à 1762. La première rédaction du Journal de la Guerre de Sept Ans », Nouvelles Annales Prince de Ligne, vi (1991), p. 47-62.
[8] Charles-Joseph de Ligne, Mon Journal de la guerre de Sept Ans, éds. J. Vercruysse et B. Colson (Paris: Honoré Champion, 2008). Après l’indication des pages, la mention (ms) signalera chaque fois le manuscrit et la mention (imp) l’imprimé.
[9] Yuval Noah Harari, « Military Memoirs: A Historical Overview of the Genre from the Middle Ages to the Late Modern Era », War in History, xiv (2007-3), p. 290.
[10] Ligne, Mon Journal, p. 71 (ms).
[11] Ibid., p. 421 (imp).
[12] Ibid., p. 424-425 (imp).
[13] Clark, Histoire de la Prusse, p. 216-217 ; Duffy, The Austrian Army, i, p. 301-315 ; Starkey, War in the Age of Enlightenment, p. 137-139 ; James R. McIntyre, « Pandours, Partisans and Freikorps: The Development of Irregular Warfare and Light Troops across the Eighteenth Century », in A.S. Burns (ed.), The Changing Face, p. 161-180.
[14] Ligne, Mon Journal, p. 84-86, 70-71 (ms).
[15] Ibid., p. 76 (ms).
[16] Ibid., p. 263-264 (imp).
[17] Ibid., p. 87-91 (ms).
[18] Christopher Duffy, Prussia’s Glory: Rossbach and Leuthen (Chicago: The Emperor’s Press, 2003) ; Eberhard Birk, « Die Schlacht bei Leuthen am 5. Dezember 1757. Eine multiperspektivische Annäherung », Österreichische Militärische Zeitschrift (2008-1), p. 35-48. Outre la mention des meilleures études en allemand sur la bataille, cet article fouillé présente Leuthen comme la bataille modèle du xviiie siècle et de la tactique linéaire. Les multiples niveaux de l’analyse d’une bataille sont bien mis en évidence.
[19] Jean Chagniot, « La bataille à l’apogée du système de guerre moderne », Revue internationale d’histoire militaire, n° 78 (2000), p. 78.
[20] Christopher Duffy, The Army of Maria Theresa: The Armed Forces of Imperial Austria, 1740-1780 (London: David and Charles, 1977), p. 186.
[21] [Frédéric II], Œuvres, iv, p. 165.
[22] Duffy, Frederick the Great, p. 149.
[23] Ligne, Mon Journal, p. 97 (ms).
[24] Duffy, The Austrian Army, i, p. 416.
[25] Ligne, Mon Journal, p. 280 (imp).
[26] Charles-Joseph de Ligne, Fragments de l’histoire de ma vie, éd. J. Vercruysse, 2 vol. (Paris: Honoré Champion, 2000-2001), i, p. 423. Le colonel-commandant du régiment de Ligne avait été quant à lui détaché avant la bataille de Breslau et avait été fait prisonnier dans cette place (Ligne, Mon Journal, p. 287, imp).
[27] Christopher Duffy, The Army of Frederick the Great (2e éd., Chicago: The Emperor’s Press, 1996), p. 274.
[28] Ligne, Mon Journal, p. 97 (ms).
[29] Duffy, The Austrian Army, i, p. 402.
[30] Christopher Duffy, The Military Experience in the Age of Reason (London: Wordsworth, 1998), p. 201, 141.
[31] Ligne, Mon Journal, p. 280-281 (imp).
[32] Showalter, The Wars of Frederick the Great, p. 202.
[33] Duffy, The Army of Frederick the Great, p. 272.
[34] Relation citée par Lloyd, Histoire des guerres d’Allemagne, p. 164. Pour plus de détails, voir Bruno Colson, « Expérience et culture du combat : Charles-Joseph de Ligne à Leuthen (5 décembre 1757) », Nouvelles Annales Prince de Ligne, xviii (2009), p. 87-110.
[35] Ilya Berkovich, « Fear, Honour and Emotional Control on the Eighteenth-Century Battlefield » et Marian Füssel, « Emotions in the Making: The Transformation of Battlefield Experiences during the Seven Years’ War (1756-1763) », in Erika Kuijpers et Cornelis van der Haven (eds.), Battlefield Emotions 1500-1800: Practices, Experience, Imagination (Basingstoke: Palgrave Macmillan, 2016), p. 93-110 et 149-172.
[36] Ligne, Mon Journal, p. 287 (imp.).
[37] Österreichisches Staatsarchiv, Kriegsarchiv, Wien (ÖStA/KA), Musterlisten (Pers MLST), II 10.188, Galizisches Linien-Infanterie-Regiment Nr. 38 (FM Ferdinand von Württemberg), 1756-1757, liste de revue du 12 août 1757 à Bruges, état-major du régiment.
[38] Alphons von Wrede, Geschichte der k. und k. Wehrmacht. Die Regimenter, Corps, Branchen und Anstalten von 1618 bis Ende des XIX. Jahrhunderts, 7 vol. (Wien: Seidel, 1898-1900), ii, p. 237.
[39] ÖStA/KA, Pers MLST II 10.189, Gal. L. IR Nr. 38, 1758-1760.
[40] Bruno Colson, Leipzig. La bataille des Nations, 16-19 octobre 1813 (Paris: Perrin, 2013), p. 362-371.
[41] « Placard, en forme d’avertissement (de par l’Impératrice Reine), pour une levée de recrues aux Pays-Bas » (25 janvier 1758), Bruxelles, Goemaere, in Recueil des ordonnances des Pays-Bas autrichiens, 3e série, 1700-1794, viii. 12 janvier 1756-28 décembre 1762 (Bruxelles: J. de Le Court, 1894), p. 175.
[42] Mansel, Charles-Joseph de Ligne, p. 90.
[43] Ibid., p. 171, 226, 243, 244 ; Ligne, Fragments de l’histoire de ma vie, ii, p. 378.
[44] « Recueil de Weimar » (1927), Annales prince de Ligne, viii, p. 27-28.
[45] Charles-Joseph de Ligne, « Autre mémoire que j’ai l’honneur de présenter au prince de Ligne suite de notre petite conversation d’hier au soir », in Napoléon France-Autriche 1797-1814, éd. J. Vercruysse (Paris: Honoré Champion, 2013), p. 59.
[46] Alexander S. Burns, « Writing for Pleasure: Christopher Duffy’s Historiographical Legacy », in A.S. Burns, The Changing Face, p. 38-40.
[47] Bruno Colson, Les Belges dans l’armée des Habsbourg. Régiments et personnalités militaires des Pays-Bas autrichiens, 1756-1815 (Wien: Verlag Militaria, 2020), p. 47-51.
[48] C.-J. de Ligne, « Ma Napoléonide », in Ibid., p. 150. Ligne énumère ici les plus grandes défaites de Frédéric II. La bataille de Hochkirch, le 14 octobre 1758, fut perdue face aux Autrichiens de Daun, celle de Kunersdorf le fut face aux Russes et aux Autrichiens le 12 août 1759. Le général von Finck, encerclé à Maxen le 20 novembre 1759, capitula avec 13.000 hommes plutôt que 20.000. Enfin le général de La Motte-Fouqué fut battu par les Autrichiens de Loudon à Landeshut le 23 juin 1760, eut presque 2.000 morts et laissa 8.000 blessés et prisonniers (Showalter, The Wars of Frederick the Great, p. 253-255 et 269).
[49] Ligne, « Ma Napoléonide », p. 152.
[50] Ligne, Napoléon France-Autriche, p. 168-169, lettre à Friedrich Gentz, sans lieu ni date [juillet 1807].
[51] Ibid., p. 175, lettre à François II, sans lieu ni date [juillet-août 1807].
[52] Achille-Charles-Léonce-Victor de Broglie, Souvenirs (1785-1870) du feu duc de Broglie, 4 vol. (Paris: Calmann-Lévy, 1886), i, p. 85-86.
[53] Jeremy Black, « Eighteenth-Century Warfare Reconsidered », War in History, i (1994-2), p. 231.
[54] C.-J. de Ligne, « Réflexions inédites sur la guerre de Sept Ans (1812) », in Mon Journal, p. 479, 486, 488 et 490. La défaite autrichienne de Wagram (1809) est suffisamment connue. Les victoires de l’archiduc Charles à Würzburg (1796) et à Aspern (1809) ont été évoquées plus haut. Quant à Höchstädt, si le prince suit bien ici la chronologie, il s’agit d’une série de combats le long du Danube entre les Autrichiens de Kray et les Français de Moreau le 19 juin 1800. On ne voit pas cependant de quel « coup d’œil » Kray aurait pu faire preuve ici. Peut-être Ligne fait-il allusion à la précédente bataille de Höchstädt, dite aussi de Blenheim, le 13 août 1704. Le duc de Marlborough et le prince Eugène de Savoie y remportèrent une victoire signalée sur les Français de Tallard et de Marsin, pourtant supérieurs en nombre.
[55] Ligne, Napoléon France-Autriche, p. 338-339, lettre à Metternich, sans lieu, 21 juillet 1813.